Stopyra et Battiston détaillent la politique de détection du FCGB chez les jeunes
YS : « Quand j’ai fini ma carrière professionnelle de joueur, je voulais être entraineur des pros. Et Aimé Jacquet, qui était mon animateur quand j’ai passé les diplômes, m’a demandé si j’étais fait pour ça. Je ne savais pas vraiment… Et il m’a alors dit de travailler avec les jeunes, pour voir, me disant que j’allais découvrir ma voie. J’ai commencé à travailler avec des centres de préformation, j’ai eu, par exemple, Ludovic Obraniak, à 13 ans. J’ai donc commencé à entrainer mon œil, sur les concours d’entrées des pôles de préformation, pendant des années. A force, je ne vois pas les joueurs tels qu’ils sont à 13-14 ans, je les vois par rapport à ce qu’on peut en tirer, avec les qualités et les défauts qu’ils peuvent avoir. Mais je ne compare pas forcément à des joueurs déjà connus, car je pense que chaque gamin est unique.
Un joueur comme Adam Ounas, dont on parle pas mal aujourd’hui, quand on l’a repéré, grâce à Arnaud Vaillant, à Tours, il était dans le deuxième club de Tours. Il n’est pas resté au pôle espoir de Châteauroux, ils ne l’ont pas gardé. Quand on l’a vu, on se disait qu’il avait un vrai talent technique, une habileté, qu’il voyait vite. Mais il y a aussi des gens qui n’y croyaient pas. Ce qui est important, c’est que quand vous avez décidé, il faut y aller à fond, il faut aller au bout, rester sur ses idées. Un cas célèbre, c’est celui de Michel Platini, qui n’aurait pas été pris à Metz à cause d’un test au de spiromètre. Quand vous regardez tous les joueurs qui ont un jour démarré en pro, il y a toujours ceux qui ne croyaient pas en eux, mais il y a une personne qui y a cru, qui lui a donné les moyens. Cela fait de très belles histories quand ça marche… On est aujourd’hui content d’Adam Ounas, même s’il a encore beaucoup de choses à travailler. Mais quand on l’a pris, personne n’était dessus.
(…) En ce qui concerne la détection, il y a des profils de poste parfois bien précis. Comme celui de gardien de but, où vous ne pouvez pas aller prendre un jeune qui fait ou qui va faire 1.70m. Le minimum c’est 1.82-83m. Même si, dans la réalité, ce n’est pas si strict non plus. A l’inverse, quand j’entends dire d’un joueur de champ ‘il est trop petit’, jamais de ma vie je ne penserai ça. Parce que, si je fais ça, je vais renier le passé des Girondins. Le plus grand joueur qu’on ait connu ici a quand même été Alain Giresse. Il est donc hors de question de penser taille. Un petit peut jouer avec ses qualités de vitesse, de vivacité, de technique. Quoi qu’on dise, comme je l’expliquais au début, un bon joueur fera toujours un bon contrôle, avec intelligence. Je crois qu’il y a surtout une forme de vitesse d’exécution à avoir. Vous pouvez penser vite et exécuter vite, sans que ce soit une question de sprinter sur 10 mètres ou de courir vite sur 100 mètres. Pep Guardiola, avant de devenir un grand entraineur, il a été reconnu comme un joueur très talentueux qui voyait très vite, avec qui le ballon partait aussi vite, et pourtant il n’était pas très rapide. Bref, la notion de vitesse de jeu est importante. Aussi, il faut un point fort majeur. Mais attention, si vous avez un point fort et un point faible, danger… Il faut être bon partout, mais surtout avoir en plus un point fort. Un attaquant, il faudra toujours qu’il aille assez vite, et qu’il exécute vite surtout, indépendamment d’un point fort qu’il peut avoir.
Un garçon comme Yoan Gouffran, qui est passé chez nous, et que j’ai vu plus jeune, il avait déjà une qualité de don de soi dans les courses, ce qui est très rare. Il fait énormément d’appels. On voit très peu ça chez les gamins, ils veulent tous recevoir les ballons dans les pieds. Donc déjà ça, c’est une référence parmi d’autres. En jeunes, vous ne trouvez plus d’attaquants qui prennent la profondeur, qui acceptent de prendre des coups, qui restent devant à demander le ballon dans les espaces… Les jeunes veulent tous jouer au milieu de terrain, ou même derrière, et toucher la balle le plus souvent possible. Ceux qui veulent jouer devant font la même chose, et décrochent beaucoup pour toucher le ballon, dribbler. C’est bien, mais ce n’est pas ce qu’on attend d’eux en priorité. A mon époque, beaucoup d’attaquant italiens marchaient bien, car ils restaient devant et qu’on voyait très facilement les meilleurs, ceux qui prenaient le dessus sur les défenseurs. On devrait pouvoir faire comprendre cela aux attaquants. Dans un club amateur, quand vous avez un joueur qui est au-dessus, il va forcément jouer milieu de terrain, voire devant de temps en temps, pour faire gagner les matches. Mais à cause de cette tendance, aujourd’hui, c’est dur de trouver un vrai attaquant chez les jeunes. Il faut d’abord s’endurcir moralement face à des défenseurs qui vous mettent des coups. Crivelli, il tombe souvent sur deux défenseurs plus expérimentés que lui qui ne le lâchent pas, il est seul face à eux, donc il faut être fort mentalement pour aller au duel, faire les efforts, ne pas se décourager, accepter d’avoir peu de ballons etc… C’est très rare chez les jeunes. Un jeune qui était impressionnant dans ses déplacements d’attaquant, et on voit sa carrière, même si maintenant il joue plus milieu offensif, c’était Wayne Rooney. Son talent d’attaquant de pointe était évident. »
PB (Après que son compère ait cité l’exemple d’Adam Ounas et de sa détection) : « Il y a une confiance totale de notre part, les éducateurs, vis-à-vis des recruteurs et de Yannick, évidemment. Après, il y a différents façons de recruter. Il y a des joueurs que l’on peut faire venir, histoire de les juger avec des essais aux côtés de nos éducateurs. Mais quelquefois, quand il faut aller très vite, on fait confiance aux scouts et à Yannick, sinon on ne travaillerait pas avec eux. Sûrement que le fait de se connaître depuis longtemps, lui et mi, d’avoir joué ensemble, aide à notre bonne entente, mais on n’est pas toujours d’accord non plus, heureusement. Chacun peut donner son avis, mais je fais totale confiance à Yannick, comme à Philippe Goubet avant lui, qui a fait venir des joueurs comme Krychowiak, Diabaté, Traoré, Ecuele Manga et d’autres… Chacun a un rôle précis, ce n’est pas possible pour une personne de tout contrôler. Le management c’est aussi savoir s’entourer et faire confiance, puis on voit si ça marche. Là, je vois des joueurs qui sont venus, qui ont fait des parcours avec nous, c’est formidable d’avoir pu travailler comme on l’a fait. »