Romain Molina : « J’espère que les dirigeants bordelais sont préparés ; si on commence à l’énerver… »
Auteur du livre ‘Cavani, el Matador’ (aux Éditions Hugo Sport), Romain Molina a été baigné par l’Uruguay ces derniers mois. En plus, il est fan du football britannique et surtout de celui des divisions inférieures. Pour parler de Gustavo Poyet, le tout-nouvel entraîneur des Girondins de Bordeaux, il est donc assez avisé et consacre une vidéo (à voir en fin de brève) au cas de ‘Gus’. Extraits de ses analyses :
« Gus’ Poyet, ça me rappelle ses premières années de coach, en troisième division, à Brighton. C’est vrai que j’ai toujours un amour immodéré pour les divisions inférieures au Royaume-Uni, et Poyet restera toujours le mec qui a fait de Brighton ; un club historique mais alors… moribond et avec des difficultés financières ; ce qu’il est aujourd’hui. Si Brighton en est là actuellement (remonté en Premier League, Birghton est actuellement 16ème, NDLR), c’est en grande partie grâce à Poyet. Il les a remontés d’une situation délicate et les a installés dans les premières places de Championship (D2 britannique), mais sans obtenir la montée en Premier League, avec notamment une défaite en demi-finale de playoffs qui lui coutera son poste.
Mais ce n’était pas parce qu’ils avaient perdu. C’était parce que Monsieur Poyet, après le match, avait dit qu’il n’était pas sûr de rester, qu’il ne pouvait rien garantir aux joueurs etc, après avoir eu déjà beaucoup de tensions avec le board de Brigton… Bon, à sa décharge, le board de Brighton… On peut le comprendre. Mais attention, quand tu lui tends un micro, à Gus Poyet, tu peux t’attendre à tout ! C’est genre un baril de nitroglycérine. Son surnom, pour l’anecdote, c’est ‘radio’, car quand il était joueur – grand joueur – il parlait tellement que les types, en Espagne, l’ont appelé Gus ‘radio’ Poyet ! Il ne fait que parler. Mais si tu te mets à tailler le bout de gras en parlant football avec Poyet… Si tu aimes les bières, il va falloir préparer plusieurs tournées, car le mec ne fait que ça. (…) En tout cas, c’est un coach de caractère qui a très bien fait jouer Brighton. Il était alors auréolé d’une réputation de coach joueur, qui faisait repartir son équipe de derrière. Et il ne faut pas oublier que quand il arrive, en 2008 ou 2009, il a été un des pionniers pour ouvrir le jeu en Championship, tout en s’adaptant aux spécificités physiques de ce championnat.
Ensuite, quand il arrive à Sunderland, où c’était très chaotique avec Paolo Di Canio, il a essayé de faire pareil, en remettant des joueurs mis au placard par Paolo Di Canio. Sunderland faisait alors – enfin essayait, car c’était toujours le bordel – un jeu sympa, dans un club qui a toujours été une pétaudière terrible où aucun coach n’a rien réussi à faire depuis des années. Donc là-bas, ça a été mi-figue mi-raisin, mais que pouvait-il faire de plus… ? On a alors retrouvé son caractère irascible, mais cette fois il s’était embrouillé avec les fans en leur disant que le ‘kick and rush’ c’était fini, qu’il fallait arrêter de vivre dans le passé… (…) Poyet accusait donc les gens d’être dans le fantasme des fantômes du passé quand lui essayait, justement, de faire autre chose ; avec un succès plus ou moins…
Disons que certains joueurs ne comprenaient pas ses méthodes. Il avait, et par exemple, imposé des séances de basket à ses joueurs, en faisant installer un panneau de basket dans le centre d’entraînement. Il faut savoir que la père de Gus Poyet était le capitaine de l’équipe de basket d’Uruguay, et Gus estimait que le basket pouvait vraiment aider les footballeurs dans le marquage individuel, la fixation. (…) Il a ce côté pluri-disciplinaire que, personnellement, j’aime beaucoup. Il avait aussi utilisé l’athlétisme pour corriger certaines positions de pieds. Il est donc assez novateur, lit beaucoup, s’intéresse énormément, se cultive, et il cherche toujours à se remettre en questions. Mais il a, c’est vrai, ce caractère assez irascible, et il a connu, depuis Sunderland, trois expériences malheureuses et aussi, globalement, trois échecs : AEK Athènes – où il a encore eu des soucis avec les dirigeants – , Betis Séville – où plein de coaches se sont foirés – et Shanghaï Shenhua. Il a donc vraiment besoin de se relancer et avait déjà essayé de postuler en France ces dernières années. Ça n’avait pas pu se faire, mais là c’est bon.
Gus Poyet, c’est donc vraiment un mec passionné, passionnant pour les joueurs, qui a beaucoup de caractère et peut aller au clash. (…) Il aime quand ça rentre dedans, mais avec toujours – comme je l’ai dit – cette idée de jeu, cette envie de commencer par derrière. Donc l’ami Gus à Bordeaux ce sera intéressant. J’espère que les dirigeants bordelais sont préparés, car si on commence à l’énerver sur des joueurs, ou sur des entraînements etc, je sens que ça peut être sympathique. Après, ‘Est-ce que Bordeaux a besoin de ça ?’ : je ne sais pas, mais je trouve que c’est une bonne idée, en tout cas, de relancer Poyet ; même si il reste sur des expériences plutôt ratées. Donc on va voir… »