Pierre Rondeau : « Dans le foot, dire qu’on gagne de l’argent est une grave erreur de communication »
Troisième et dernière série de retranscriptions des analyses de l’économiste Pierre Rondeau, intervenant dans ‘Girondins Analyse’, sur la radio R.I.G, ce vendredi soir (podcast complet dispo ICI). En fin d’entretien, il se prononce de manière un peu plus subjective et personnelle sur le fait qu’un fonds d’investissement, ici General American Capital Partners, puisse racheter les Girondins. Pour Pierre Rondeau, donc, l’alchimie entre la logique économique d’un fond spéculatif et la logique sportive d’un club de foot est difficilement trouvable.
« A titre personnel, dans l’idée, vu ma conception théorique – et qu’on peut me reprocher -, je vais reprocher par principe à un fonds à but lucratif de venir investir dans un club de foot, car je sais que sa finalité unique est économique. Du coup, je me dis que même si ça tourne bien sportivement, les dirigeants et les actionnaires ne vont pas se dire : ‘C’est cool on continue comme ça, avec ces joueurs !’ ; ils vont vouloir gagner de l’argent, faire une plus-value. Cela peut être en revendant les joueurs majeurs, qui auront tous gagné en valeur, exactement comme une action en bourse, ou en imposant une revente rapide du club, quitte à déstabiliser la logique sportive du club et que tout s’écroule. Ce serait inquiétant pour le long terme, car au bout de X années, on n’a plus rien.
(…) Vous parliez aussi, tout à l’heure, du train de vie économique qu’a mené le club après le titre de 2009, et vous avez raison de dire que le fait de pas l’avoir tenu sportivement a plombé la situation. Mais, toujours dans ma logique, je pense qu’il peut y avoir un ‘biais informationnel’, allant aussi dans ce sens, si un fonds d’investissement dirige. Le fonds, s’il annonce avant même de commencer qu’il va investir mais surtout que son but c’est le profit, tous les ans, que vont se dire les joueurs… ? Et que vont se dire les autres clubs ? Que les Girondins de Bordeaux c’est un club riche. Alors les joueurs vont exiger des salaires plus élevés et les clubs vont négocier des ventes à des prix au-dessus du marché. C’est le syndrome des nouveaux riches. Dans le foot, globalement, dire qu’on a de l’argent et qu’on en gagne, c’est une grave erreur de communication. En arrivant à Marseille, Frank Mccourt n’a jamais annoncé clairement qu’il voulait se faire de l’argent, même si on s’en doutait, justement pour éviter que l’OM ait cette image. A Paris, les investisseurs ne viennent pas, eux non plus, pour viser la rentabilité à court terme.
A Bordeaux, on a le sentiment qu’M6 vend à la va-vite pour récupérer l’argent de la dette que le club lui doit et que les repreneurs américains veulent vite se faire de l’argent mais sans trop investir. On n’est pas là dans le cercle vertueux : ‘résultats sportifs – résultats économiques – investissements sportifs’, et sans investissements préalables importants, soutenables, pérennes et logiques c’est très dur de gagner dans la durée, même si des fois il y a des phénomènes comme Montpellier champion de France en 2012. D’accord… Mais sur la durée, ils sont où ? Là, l’investisseur il ne vise que le profit à court terme. Une communication préférable – même si dans les faits on ne l’applique pas et qu’on risque un retour de bâton de l’opinion – aurait été, à mon sens, d’annoncer des investissements d’abord, pour rassurer tout le monde, de donner un chiffre de 100M€ – par exemple – qu’on allait mettre sur les transferts ; mais surtout pas de commencer à dire qu’on veut gagner de l’argent. Ce n’est pas possible de tenir comme ça sur la durée. »