D. Riolo : « Les UB 87 ont raison, mais… qu’est-ce que tu peux faire ? »
Aux côtés de Pierre Barthélemy (avocat pour l’Association Nationale des Supporters), Willy Sagnol (ancien entraîneur des Girondins de Bordeaux) et Nicolas Hourcade (sociologue spécialisé sur les questions liées aux supporters), le journaliste d’RMC, Daniel Riolo, a participé aux gros débats de ‘L’After Foot‘, jeudi soir, concernant les tensions entre clubs et supporters.
Bien entendu, le cas des Girondins de Bordeaux a animé les échanges :
« C’est la nature de ce que devient le football qui les inquiète. Mais en fait on retrouve là plein de choses qui font l’actualité au niveau économique et social, en France, en Europe et dans tout le monde. Ce sont des questions d’identité, d’attachement, de pertes de repères ; le fait de ne pas savoir qui tu es et où tu vas. Et quand un Américain vient pour faire du blé et couler le club, ils ont peur de perdre ce qu’ils sont, même si eux – les supporters – savent qui ils sont. (…) Ici, on les a soutenus les Ultramarines, on leur a donné la parole, et on est tous d’accord pour dire qu’ils ont raison. Oui. Bien évidemment… Mais le seul truc c’est que, malheureusement – je ne sais pas si c’est du cynisme ou de la lucidité -… Qu’est-ce que tu peux faire ? Et pourtant, ils ont raison. Mais il faut aussi voir que, quand M6 vend, si ce n’est pas eux (GACP et King Street) qui viennent, bah le club est mort. Et les supporters, ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent, mais à partir du moment où, justement, ça aurait été pareil… Car peut-être qu’M6 aurait fait vivoter. Mais, qu’est-ce que tu peux faire ? On sait que tous les nouveaux investisseurs sont venus car les droits télés en Ligue 1 vont exploser, mais le problème c’est que tu n’as plus un investisseur français voulant venir dans nos clubs ; si tant est qu’un Français puisse forcément faire bien mieux que le fonds d’investissement américain. Alors allez, supposons que oui. Mais le problème reste économique et donc très vaste. Combien d’argent il peut mettre ? Est-ce qu’il peut faire vivre le club ?
(…) Si les dirigeants ne cherchent pas le dialogue et oublient que, même si ce n’est écrit dans aucun statut, le club de foot porte le nom de la ville et il est donc, un peu, du ‘service public’… Pas sûr que les gens viennent au stade. Ou alors, tu construits totalement un nouveau public. Et alors tu fais du club en entreprise de divertissement comme les franchies US. Mais si tu vas par là… (…) Après, on n’en a pas encore parlé du tout par ne parler que du rapport entre les supporters et les clubs, mais pour contenter le supporter, pourtant, ça démarre bien par le terrain ; pour que l’histoire se crée, et que toi, supporter, tu sois heureux de ce qui se passe sur le terrain et de l’image donnée par ton équipe. Ce kiff-là, il fait passer au second plan les petites guéguerres du ‘est-ce que je peux faire ça en tribune ?’. Le supporter, avant tout, il vient pour avoir de l’émotion et être fier de son équipe et de l’image que donne, sa ville, son club. Ça, c’est une base qu’on oublie beaucoup trop souvent. Et donc, sujet central de tout ça, à travers ces investisseurs qui arrivent, quand leurs promesses ne sont pas tenues, il y a de la frustration ; comme à Bordeaux.
La colère, elle se ressent au-delà du fumigène chez les supporters, et en fait c’est plus la crainte d’avoir un club qui disparaît parce qu’il n’y a plus d’identité, parce que le club ne te représente plus vraiment, parce que cet investisseur n’a pas de visage, et parce qu’on ne sait pas s’il va vraiment mettre de l’oseille. Mais, après tout, le supporter, il s’en foutrait presque de savoir s’il va y avoir beaucoup d’oseille ou pas, à partir du moment où l’équipe se comporte comme il faut sur le terrain et lui fait honneur. Même une équipe à 20 millions de budget, si elle se déchire sur le terrain et qu’elle donne tout, le supporter sera toujours content. Je dis ça depuis tout ma vie ! (…) Ensuite, après ça, je respecte que les supporters critiquent certains aspects du foot business : les maillots, les horaires pour diffuser en Chine etc… mais il faut bien qu’on ait de l’argent. Déjà que notre foot en France a très peu d’ambitions, mais si, en plus, tu freines ça et bien il n’en aura plus du tout. Aimer le foot, et je suis le premier à le dire, c’est forcément être incohérent de toute façon. Regardez : je suis un grand romantique du football, mais j’accepte plein de trucs de la modernité et j’accepte de plus en plus qu’on me parle d’une ligue fermée. Finalement, j’écoute tout et je ne suis fermé à rien, donc parfois j’ai des avis qui perturbent. »
Retranscriptions faites par nos soins