G. Dufy : « Alain Giresse ? La définition de ce que le foot devrait être »
Contrairement à Bernard Lacombe, Aimé Jacquet ou encore Bixente Lizarazu, le journaliste Guillaume Dufy (L’Équipe) n’a pas joué au foot en pro à Bordeaux ou coaché les Girondins et il n’a donc pas le même regard que ces autres témoins pour parler de Monsieur Alain Giresse, LA légende du FCGB.
Cependant, dans le Live Facebook d’hier mis en place par Éric Dagrant (la voix des Girondins ou encore de la FFF) et son équipe, Dufy est intervenu pour donner sa vision de Gigi… et quelques anecdotes :
« J’ai souvent croisé Alain Giresse, car je suis journaliste depuis très longtemps et que j’ai même presque commencé ma carrière avec lui, en 98, quand il est devenu entraîneur du Paris Saint-Germain. J’ai notamment vécu un grand moment de journaliste, même si c’était triste pour lui, car j’étais là le jour où le président Charles Biétry a décidé de se séparer de lui après une mauvaise série de résultats. On était au Camp des Loges, le vieux Camp des Loges, où il y avait très peu de journalistes ; et il pleuvait ; mais Alain est sorti de son bureau, évidemment déçu par ce qu’il venait de lui arriver, puis nous a dit quelques mots. Et après, je me suis vite réfugié dans la cabine téléphonique qu’il y avait à la sortie du Camp des Loges, afin d’appeler mes chefs et de leur rapporter ce qu’Alain nous avait livré comme impressions… J’étais toujours dans la cabine, tout le monde était parti, puis au bout de quelques minutes ça a frappé ; et c’était le grand Alain Giresse. Donc j’ai ouvert, et il m’a dit : ‘Surtout, n’oubliez pas quelque chose : de remercier les supporters. Car mon histoire a été très courte avec eux, ici au PSG, mais ils ont toujours été formidables avec moi. Donc merci, au revoir et à bientôt’.
J’avais trouvé ça, alors que j’étais un jeune journaliste couvrant le PSG pour ‘France Soir’, assez lunaire comme échange ; incroyable, unique ; surtout avec quelqu’un ayant certainement contribué à ce que je sois journaliste. Car en 82, j’avais 9 ans, donc Alain Giresse, pour moi, c’est… voilà. Et après, j’ai d’autres anecdotes sur Alain Giresse, car pour ‘L’Équipe du Soir’ on a fait des émissions ensemble. Aussi, on avait une équipe de France de la presse, et comme Alain a longtemps été consultant pour France Info et France Inter bah j’ai eu la chance de jouer avec lui, en étant gardien ou défenseur central. C’était en Finlande, à Helsinki… et mes camarades et moi n’étions pas forcément arrivés très frais sur le terrain, car on découvrait les endroits formidables de cette ville et on fêtait les productions de l’équipe de France (rire) ! Mais je vous assure que, franchement, se changer à côté d’Alain Giresse et le voir si précautionneux quand il mettait ses chaussures, ses crampons et ses chaussettes… Lui, il s’excusait en disant que, physiquement, il n’était pas au top, mais pour lui piquer le ballon c’était impossible ; même si nous avions perdu contre la Finlande. Donc voilà, moi qui suis né en 73, j’ai eu la chance de pouvoir, un matin, à Helsinki, partager un match de foot en jouant avec Alain Giresse. Ce sont, tout ça, des souvenirs assez exceptionnels, et qui me marquent encore, même à 47 ans.
(…) Mon meilleur souvenir d’Alain Giresse joueur ? En fait, surtout, moi j’aime les joueurs qui font briller les autres. Aujourd’hui on applaudit et on s’émerveille devant des gens qui sont capables de dribbler 75 joueurs, mais moi ça ne m’émeut pas beaucoup, car j’aime plus ceux qui font briller les autres. Alors, jouer à une ou deux touche(s) de balle et donner le ballon, le faire vivre, comme Michel Platini et Alain pouvaient le faire, ou Bernard Genghini aussi, ça me touche plus… Le France – Allemagne de 82, c’est un des plus grands matches que j’ai jamais vus – à 9 ans, alors que mon père avait acheté la télé couleurs pour suivre ce Mondial -, et je crois que je ne reverrai pas d’autres matches comme ça. Mais d’Alain j’ai aussi le souvenir, plus tôt, d’un but de la tête contre l’Irlande du Nord, sur un centre de Dominique Rocheteau, où il a un timing incroyable pour battre le gardien. En fait, Alain a peu marqué de la tête, mais il l’a quand même fait parfois, notamment lors de son jubilé, sur une passe lumineuse de Patrick Battiston. Finalement, Giresse, Platini, Genghini, mais c’est comme Guardiola, Redondo, Xavi, Iniesta : des joueurs collectifs, jouant avec les autres. Des mecs qui avaient la définition de ce qu’est le foot, de ce qu’il devrait être. Car le foot, ce n’est pas que de dribbler 115 mecs quoi… »
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