« Marseille entretient plutôt ses vraies rivalités avec de grands clubs »

1. Quel est ton regard d’ensemble sur le club de Bordeaux en général et sur l’équipe actuelle des Girondins ?


PPM : De manière générale, Bordeaux paraît être un club un peu à la traine. Un peu plus que l’OM par exemple, qui l’est déjà suffisamment. C’est dire… Je pense que les finances du club ne permettent pas de voir plus loin, d’où les mercatos un peu légers depuis quelques saisons. Actuellement, je trouve Saivet très bon. Diabaté c’est un peu le Brandao bordelais, donc j’aime bien. Derrière, c’est assez lent et triste. Carasso a pris 10 ans en 3 saisons.


CB : Tavernost, Triaud, Gillot… une équipe de joyeux drilles qui correspond bien à l’image qu’on se fait de votre ville de dépressifs. Car oui, Bordeaux est une ville anxiogène, et j’en veux pour preuve le fait que vous ayez même réussi à faire maigrir Cédric Carrasso. La seule touche de jovialité que l’on pouvait concéder aux Girondins résidait dans vos performances du début de saison : vous voir vous chier encore plus que nous-mêmes représentait une certaine consolation. Mais évidemment, si vous vous mettez à gagner, vous allez vraiment perdre tout intérêt.


2. La rivalité entre Marseille et Bordeaux, elle représente quoi pour toi ?


PPM : Bordeaux, historiquement c’est quand même un club qui m’a toujours fait flipper. Peut-être parce que ça fait plus de 30 ans qu’on ne les bat plus chez eux et qu’à domicile on galère assez souvent. Et puis il y a cette période 80/90 où les rencontres entre ces deux équipes étaient explosives.



CB : Je suis né au football dans les années post-cadillac rose. La rivalité commençait à s’estomper au profit de celle avec le PSG, mais les deux formations ont finalement bien su communier dans la haine lors de leur arrangement qui vous donne le titre de 1999 (encore qu’on n’en attendait pas moins des Parisiens… finalement, le vrai vol qui me reste en travers cette saison était un pénalty totalement inventé face à Auxerre). Tout ceci s’est bien normalisé et même la compétition lors du championnat de 2009 puis de la Coupe de la Ligue 2010 m’a semblé plutôt saine. Marseille entretient plutôt ses vraies rivalités avec de grands clubs : vous, une fois qu’on aura réglé le détail historique de la victoire à Lescure/Chaban, vous nous paraîtrez tout à fait insignifiants, n’est-ce pas. Peut-être même qu’on passera tous pour des vieux cons en se rappelant ensemble le bon vieux temps de Bez-Tapie.


3. Comment tu juges la première moitié de saison de l’OM ?

 
PPM : En dents de scies. On est bien parti, mais les adversaires étaient assez faibles. Après, on a perdu contre les « gros », on a été incapables de prendre un seul point en Champions League et voilà qu’on vire Baup. Les joueurs sont, avant tout, responsables et j’espère qu’Anigo leur a bien fait chauffer les oreilles. (Ou autre chose, tant que ça fait mal.)


CB : Décevante, bien sûr. Rééditer notre deuxième place de l’an dernier semble irréaliste dès la mi-championnat, et que dire de l’Europe pour laquelle nous avons fait preuve d’une implication et d’un niveau de performance quasi-girondin (bon, après c’était pas Nicosie et Tel-Aviv en face non plus). On comprend que les jeunes ont besoin de maturation : le projet de Labrune est à moyen terme, il l’a assez martelé ; mais le moyen terme, à Marseille, on ne te l’autorise pas facilement, d’où le besoin de résultats, qui ne sont pas trop mauvais tout de même dans l’ensemble.


Finalement, la qualité de jeu n’a guère évolué depuis notre série de victoires tendues de l’an dernier. En revanche, notre solidité mentale s’est effondrée, comme en témoignent les défaites douloureuses face à Paris, Monaco et, plus récemment, Lille. Les mouvements ont sans doute entamé la cohésion d’équipe, que Baup n’a pas réussi à préserver. De plus, je jurerais quant à l’absence de travail tactique, comme si Elie Baup s’était attendu à ce qu’on joue toute la saison avec Valbuena et Ayew au top-niveau.


Après, il y a quand même des espoirs : l’effectif a de la qualité, et montre, par intermittence, qu’il sait produire du jeu. Si l’équipe gagne en cohésion comme elle l’a fait face à Toulouse cette semaine en Coupe de la Ligue, on aura vraiment une base pour progresser et atteindre quelques résultats (l’Europe n’est pas inaccessible, même si on a pris beaucoup de retard).


4. Cet été, contrairement à l’an dernier, Marseille a beaucoupl bougé en recrutant Payet, Imbula, Thauvin, Lemina, Khalifa (pour de grosses sommes) + le jeune Benjamin Mendy. Un premier bilan sur le rendement de ces nouveaux ?


PPM : Assez moyen, c’est indéniable. Mais ça rejoint ce qu’avait annoncé la direction. C’est pour ça que je ne comprends pas le manque de patience des supporteurs notamment. Alors c’est sûr, moi aussi ça me saoule de nous voir si loin du groupe de tête. Mais, encore une fois, en recrutant ainsi, il fallait s’y attendre. La vraie déception vient de Payet, joueur confirmé, dont on attend bien plus en 2014 pour la 2ème partie de saison.


CB : Il ne faut oublier Brice Samba, gardien du Havre, qui mûrit dans l’ombre de Mandanda. Dans cette liste, on a beaucoup de jeunes, donc il n’était pas évident d’attendre une performance excellente d’entrée (sauf pour Payet, pas franchement nul mais encore très intermittent). Imbula a démarré très fort, mais apparemment il s’est trouvé freiné par des problèmes de comportement. Mais on retrouve de bonnes choses depuis deux matches, en espérant que ça se confirme cette fois-ci.

Thauvin montre une mentalité (à défaut d’une coiffure) bien meilleure que l’image qu’il s’était donnée à l’intersaison. Il ne semble pas trop souffrir de sa réputation et a enchaîné une très bonne série de matches contre les clubs les plus faibles. C’est un peu plus dur en ce moment, il semble avoir besoin de souffler. Lemina a longtemps été l’entrant des 10 dernières minutes, puis titularisé à l’occasion de nos séances de viol collectif (à Arsenal par exemple). Un contexte bien difficile donc, mais où il a pu montrer un vrai potentiel. Khalifa pour l’instant ne montre pas plus que son rôle de « joueur de complément », même s’il reste quand même toujours préférable à Jo « le sconse » Ayew.


Et Mendy… aaah, Benjamin. Il a réussi l’exploit de nous faire regretter Jérémy Morel. Ce n’est pas forcément sa faute, mais plutôt celle du type qui l’a formé comme défenseur latéral : il lui reste encore des fondamentaux à acquérir. Après, il a un potentiel offensif réel… Imgine, un mec qui fait des bons centre chez nous, on l’attendait depuis quelques temps.


5. Et au-delà de ces cas individuels, quels sont, selon toi, les forces, faiblesses et le style de jeu de l’Olympique de Marseille cette saison ?


PPM : La faiblesse c’est la défense. Même si l’attaque n’est également pas folichonne. On a un jeu bizarre cette saison. Les joueurs ont peur, même si notre jeu ressemble à celui de l’an passé. Il nous manque, selon moi, des latéraux bien plus costauds défensivement et un mec qui saurait un peu plus garder le ballon en pointe.


CB : Les forces résident dans une capacité de percussion très intéressante, par la qualité des joueurs offensifs et leur capacité à combiner. En revanche, on est beaucoup plus limité dans nos temps faibles, où l’on a du mal à conserver la balle (surtout en l’absence de Valbuena). La défense a aussi beaucoup de travail à fournir (placement, alignement). Mais le premier chantier, c’est vraiment la restauration d’une confiance et d’une cohésion collectives. Nous avons été plusieurs fois punis – et sévèrement – par un placement trop bas, un manque d’engagement dans les duels, signe d’une équipe timorée, qui ne révélait pas son potentiel.


6. Le récent limogeage d’Élie Baup et son remplacement par José Anigo, bonne ou mauvaise chose selon toi ?


PPM : Bonne idée sur le fond, pour changer les choses. Mais quand j’entends les supporteurs hurler « Élie Baup démission » pendant OM-Nantes, alors que c’était la pire prestation des joueurs depuis un bon bout de temps, je m’insurge. Je me répète, les joueurs ont une grande responsabilité là-dedans.


CB : Limoger un entraîneur en cours de saison n’est jamais une bonne chose, mais ça peut être indispensable. C’est le cas pour Baup, avec qui l’on ne voyait plus de progression possible. Le groupe se fissurait, le travail tactique avait l’air d’être inexistant (plusieurs cas de 4-3-3 au coup d’envoi virant à  la boucherie et obligeant à un retour en catastrophe au 4-2-3-1).


Anigo s’imposait pour l’intérim : ce n’est pas en deux semaines et en cours de saison qu’on trouve un entraîneur disponible, compétent et pas trop cher. Si c’était pour prendre Antonetti, autant conserver Elie Baup à ce tarif-là. On considère José comme un entraîneur « à couilles » et techniquement fruste. Je crois qu’il a évolué, peut-être pas dans ses compétences (là-dessus, on ne pourra que juger sur pièce), mais au moins dans ses intentions. Sur la capacité à recréer du collectif à court terme, à encadrer les jeunes recrues, je pense qu’on peut lui faire confiance. Sur un travail de fond à moyen terme, l’expérience de 2004 me laisse quand même perplexe, mais jusqu’au printemps voire à l’intersaison, pourquoi pas.


7. Les ambitions marseillaises de finir sur le podium doivent-elles être revues à la baisse ?


PPM : Non. Je ne crois pas. Seulement, pour cela, il faut prendre les points à domicile, peu importe l’adversaire. Il faut également limiter la casse en déplacement. Facile à dire. On va voir ce qu’ils (les dirigeants) vont nous faire au mercato. Qui part ? Qui reste ?


CB : Non, si l’on se souvient de notre série improbable de la fin de saison dernière. Si Monaco et Lille sont solides, la saison est encore longue (je mets le QSG hors-concours – et Bordeaux ? soyons sérieux, voyons -). De toute façon, ne pas se donner d’ambition est le meilleur moyen de ne pas progresser : on peut et on doit croire au moins à la 3ème place.

8. Venons-en à ce Marseille – Bordeaux qui nous intéresse tout particulièrement. Historiquement chaque équipe sait se faire respecter à domicile et les matches sont souvent très engagés, avec pas mal de nuls ou de courtes victoires ces dernières années… Tu vois encore une rencontre fermée ou tu crois à un match un peu fou ?


PPM : Non. Bizarrement je vois bien un match où les deux équipes vont se lâcher. Faut prendre les 3 points, d’un côté comme de l’autre.


CB : Ça dépendra de Bordeaux. Nous, on sort d’un bon match et on voudra confirmer nos intentions : soit on y parviendra et on vous fera souffrir, soit, comme ça nous est déjà arrivé, on se mettra à faire n’importe quoi en début de match et ce sera à vous d’en profiter. Je suis d’accord qu’un OM-Bordeaux avec beaucoup de buts, c’est assez improbable, mais ça devrait être animé.


9. Mathieu Valbuena et André Ayew sont blessés depuis quelques semaines et manqueront ce match. Lourd handicap, ou possibilités de s’adapter sans eux quand même ?


PPM : Il y a toujours moyen de s’adapter. Sinon, tu imagines la galère ! Mais c’est vrai que la percussion d’André Ayew et la vivacité de Valbuena manquent à l’équipe. Thauvin essaye de les faire oublier, mais il ne faut pas trop lui mettre la pression au minot, qu’il continue comme ça et progresse en douceur.


CB : Les deux : c’est en partie parce qu’Élie Baup n’a pas su se passer de Valbuena malgré sa méforme qu’il a échoué. André se démultiplie sur un terrain : les problèmes de pressing et de replacement n’apparaissent pas par magie depuis qu’il est absent ; c’est juste qu’ils passaient inaperçus et se voient davantage. Pour Valbuena, j’imaginais que Thauvin pourrait, dans un style différent, faire l’intérim en meneur de jeu, mais ces derniers temps ça ne donne pas grand chose de bon. Donc le 4-3-3 s’explique, même si on y perd en conservation de balle et maîtrise du rythme de la partie.

10. A part ça, c’est quoi l’actu de votre effectif (blessés de dernière minute, suspendus, joueurs en forme/méforme) ?


PPM : La seule incertitude vient toujours de là où on est le plus en difficulté. Le côté gauche. Mendy ou Morel ? Sinon je pense que le 4-3-3 face à Toulouse sera reconduit. Payet semble remis sur pieds.


CB : Pour les méformes, on reste dans l’incertitude après le match bizarre à Lyon et le beau regain de performance en Coupe de la Ligue face au TFC. Lemina est sorti sur blessure et sera peut-être un peu juste ; sorti de ça, pas de nouveau problème hormis Valbuena et Ayew.

11. Si tu avais un joueur à suivre, en mal et en bien, des deux côtés ce seraient qui ?


PPM : Diabaté côté Girondins. J’aime bien ce genre de joueur que tout le monde « déteste ». Côté marseillais, Thauvin. Il a un super football. Je regarde beaucoup Khalifa (quand il joue) car j’essaie de comprendre pourquoi on l’a recruté.


CB : Comme toutes les équipes jouant contre les Girondins, on va prier pour ne pas avoir la honte d’encaisser un but de Diabaté. Et un petit duel de vitesse Gignac-Planus ne serait pas pour me déplaire, j’adore le tractor-pulling.


12. Enfin, un petit prono pour dimanche ?


PPM : 3/2 pour l’OM (Gignac, Thauvin, Payet – Obraniak, Diabaté).


CB : On vous tape. 2-0.


13.  (Question bonus) : D’ailleurs, un OM – FCGB le dimanche à 14 heures, ça te fait pas trop bizarre ?


PPM : Je vais passer pour un con mais j’aime bien le match du dimanche à 14 heures. Certes, ça m’oblige à laisser en galère femme et enfant mais j’aime bien y aller le ventre plein et avec quelques grammes d’alcool. Après, je rentre et la journée recommence. C’est pas trop mal même si ça ne ne remplit pas vraiment les stades. Un peu comme la coupe de la Ligue en fait.


CB : Programmer Bordeaux à l’heure de la sieste après le repas de famille du dimanche, ça impose en effet de préparer un stock de Guronsan-Caféine-Amphétamines pour tenir le coup.