Vous êtes un joueur apprécié pour votre polyvalence (milieu offensif / attaquant), pensez-vous que le fait de ne pas être spécialiste d’un seul poste ait pu vous desservir ?
Personnellement, je pense que oui. J’aurais peut-être été meilleur en étant focalisé sur un poste plus précis, mais au final, pour les entraîneurs, c’est plus bénéfique d’avoir un joueur polyvalent. Quand t’es polyvalent, t’es obligé de t’adapter à chaque changement de poste, car on ne joue pas de la même manière quand on est numéro 9 ou sur les côtés. C’est difficile de garder ses repères et d’être bon à chaque fois quand les besoins de l’équipe font qu’on change de poste régulièrement. A un moment, j’ai essayé de me dire que je devais m’imposer un poste, penser plus à moi et, par conséquent, refuser si un entraîneur me sollicitait ailleurs sur le terrain, mais au final j’ai toujours accepté de jouer selon les besoins de l’entraîneur, pour l’arranger. Si un coach veut me mettre défenseur, je joue défenseur ! Je le préviendrais que je serai pas forcément très bon, mais je joue (rire) ! Je n’ai jamais été égoïste sur le terrain.
Quel est, selon vous, le but le plus important que vous ayez marqué ?
Il y a un but que j’aime beaucoup, parce que ça a représenté l’après blessure de mon genou, c’est celui contre Liverpool en Europa League, en septembre 2015. Pour moi, ce but, c’était pas un but exceptionnel, mais personnellement très important. On le voit après le but d’ailleurs, car je me reconnais pas sur les images, on dirait que quelque chose ressort de moi. C’était peut-être pas le plus beau, mais à titre personnel, pour moi, c’était le plus important.
Et le plus beau ?
Mon plus beau but, c’est celui contre Lyon, en 2010, pas de doutes là-dessus.
Une carrière est faite de hauts et de bas. Si vous deviez citer votre moins bon souvenir pendant votre passage à Bordeaux ce serait lequel ?
A Bordeaux, j’ai vécu des moments biens, moins biens, difficiles et très difficiles, mais quelque chose m’a marqué ; je ne l’avais jamais vu. C’était un match à la maison, contre Caen, et les supporters sont partis 15 minutes avant la fin du match. On perdait 4 à 0, Delort nous avait fait la misère. C’était la saison dernière. Et tout le Virage Sud s’est vidé. On sait que quand le Virage n’est pas là, il n’y a plus beaucoup d’ambiance, comme dans les autres clubs. Mais alors là… le vide, plus de bruit, comme s’il n’y avait plus personne dans le stade. Très marquant comme sensation.
Toutes saisons confondues, avec quel joueur avez-vous pris le plus de plaisir à jouer ?
J’ai eu la chance de côtoyer beaucoup de bons joueurs ici, surtout à l’époque du titre, mais un joueur à Lens m’a particulièrement marqué, par son intelligence et son professionnalisme. C’est Vitorino Hilton, le défenseur de Montpellier. Ce gars là, c’est un vampire du foot (rire) ! Le mec, il a 40 balais, et à chaque match je me demande comment il fait. Il continue de m’étonner. Il cavale encore comme un dingue ! Il est incroyable. A Lens, il était déjà très fort, encore plus, mais il a gardé une régularité, depuis 2005, depuis mon arrivée en France en fait. A part ses cheveux qui sont tombés, le reste n’a pas changé (rire) ! J’ai vraiment eu du plaisir à jouer avec ‘Vito’.
Et un entraîneur ?
Pas de doute, c’est Laurent. Laurent Blanc, et Jean-Louis Gasset. Plus Gasset que Blanc d’ailleurs, mais le duo est complémentaire. C’est le duo d’entraîneurs avec lequel j’ai pris le plus de plaisir et j’ai appris le plus.
Vu votre potentiel technique au-dessus de la moyenne, n’avez-vous pas des regrets de n’avoir pu évoluer dans un club plus prestigieux que Bordeaux ?
Déjà, jouer à Bordeaux, dans ce grand club, c’était un peu un aboutissement. J’ai des regrets par rapport aux blessures, c’est tout. Quand on se blesse souvent ; d’abord on ne le fait pas exprès ; on cherche toujours des réponses, on cherche à comprendre son corps. J’ai joué de malchance aussi, j’ai eu des accidents, une blessure à l’oeil, une fracture du coude à Marseille, dans un match où j’avais marqué et à une période où j’étais bon. Mon seul regret, c’est vraiment les blessures, mais c’était indépendant de moi. Après, en tout franchise, je pense ne pas avoir été assez ambitieux pour aller plus haut que Bordeaux. Sans vouloir leur lancer des roses, je pense que les Girondins c’est une grande équipe et l’histoire du club m’a toujours fait rêver d’une certaine manière. Mes ambitions premières étaient de m’imposer et me maintenir ici.
Abordons maintenant des sujets plus externes. Vous qui avez joué environ 12 ans en Ligue 1, comment analysez-vous le niveau du championnat depuis toutes ces années ? Ce dernier s’améliore-t-il ?
Depuis que je suis arrivé, je trouve que le niveau de la Ligue 1 a baissé ; et l’arrivée d’investisseurs, comme au PSG, ça ne fait que démontrer des moyens financiers trop différents entre les clubs. Les moyens ne sont pas les mêmes. Derrière le Paris Saint-Germain, Lyon et Monaco arrivent à s’en sortir plus ou moins intelligemment, avec les mercatos et leur centre de formation. Ils ont une façon de faire, de manière à être toujours présents dans les trois premières places. Après, concernant ces investisseurs, je crois que ça ne fait que creuser l’écart avec le reste des équipes à mon sens. Il y a dix ans, j’ai l’impression qu’il y avait plus de jeu et que c’était plus compétitif. Quand le nouveau Paris est arrivé, ils ont tout cassé et tout gagné, mais le niveau de la Ligue 1 est faible pour moi. La question que je me pose c‘est (il hésite)… Je respecte les supporters, et je vois peut-être le foot d’une autre manière, mais je ne me vois pas aller au stade tout le temps pour voir un jeu banal. Quand je vois les gens qui dépensent de l’argent pour aller voir les matchs, en plein hiver, et que les choses ne marchent pas sur le terrain… A un moment donné, je comprends très bien que c’est difficile, il faut pas déconner non plus ! Il n’y a pas d’enjeu, c’est pas très beau a voir.
Quelles en sont les raisons d’après vous ?
Je ne connais pas tous les clubs, mais je pense qu’il y a un vrai travail a faire sur les centres de formation, déjà. Après, c’est surtout une question de mentalité : les clubs, en France, pensent petit : « si on reste en Ligue 1, déjà, c’est bien ». Quand on voit les discours des présidents ou des entraîneurs… Il y a un côté financier et entreprise qui fait qu’on fait le minimum et qu’on prend le moins de risques possible pour survivre. On ne peut même pas comparer avec l’Angleterre ou l’Espagne. Même l’Italie est plus attractive que la Ligue 1, alors que ce n’est pas très beau à voir là-bas non plus.
On voit, depuis quelques semaines maintenant, le championnat chinois devenir très attractif pour les joueurs, avec des gros transferts réalisés et des gros salaires proposés. Pensez-vous que c’est un championnat qui va prendre beaucoup plus d’ampleur ou que le soufflet va vite retomber ?
S’ils continuent à mettre ces moyens-là, ça ne peut que se développer. Avec les moyens financiers, ils arriveront à faire en 10 ans ce que les autres ont fait en 50 ou 70 ans. Ce qu’ils font en mettant du pognon, surtout cette année, commence à attirer de plus en plus le regard des gens, du monde entier, de ceux qui s’intéressent au foot, mais surtout des joueurs. Quand on voit Witsel, le joueur belge, qui signe la-bas alors qu’il a 20 et quelques années, ça laisse perplexe. En tant que joueur, tu devrais avoir pour ambition de jouer pour un grand club, mais là, ils s’en foutent complètement, c’est strictement financier d’aller en Chine. Et je pense que ce n’est qu’un début, avec ces investissements là, car la tendance va être au développement de ce championnat, de plus en plus.
Pour finir, et surtout pour le fun, quel pronostic donneriez-vous pour le prochain match de Coupe de la Ligue, la demi-finale contre le PSG ?
Bordeaux – Paris ? Match nul et victoire des Girondins aux penalties… J’espère qu’il vont s’entraîner à les tirer pendant la semaine (rire) ! Mais, en tout cas, je vois un match nul. 1 à 1 à la fin du temps réglementaire et victoire des Girondins.
Un grand merci au joueur, mais surtout à l’homme, de nous avoir accordé ce temps de partage et ses analyses. D’un point de vue contractuel, en effet, il n’y a plus de lien, mais Jussiê et les Girondins resteront, incontestablement, une belle histoire de coeur.
Bonne chance à vous, M. Jussiê ! Nous vous souhaitons de retrouver rapidement les terrains et de vous épanouir à nouveau au sein d’un collectif.
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