« Quand on voit la répression qu’on subit… »
« Garder une tribune populaire, ce n’est pas si facile qu’on le croit. Pas du tout ! Quand on voit ce qui s’est passé à Paris, quand on voit ce que c’était avant… Évidemment, c’est allé trop loin et il y a eu des morts à l’issue d’une guerre sans nom dans les tribunes, dont tout le monde était un peu complice pour que ce soit indéfendable d’ailleurs… Mais si on nous avait dit, il y a 10 ans, quand on allait au Parc des Princes, qu’il n’y aurait plus de Parc des Princes, que ce stade serait une cathédrale, aucun de nous ne l’aurait cru. Pourtant, le populaire, il a bien disparu à Paris aujourd’hui, les supporters ne sont plus là, il n’y a plus que des spectateurs et on se retrouve avec un club sans âme. Mais d’ailleurs, le club est peut-être en train de se rendre compte que c’est un peu pour ça que ça plafonne en Ligue des Champions et que ça n’est pas champion de France aussi facilement que voulu. N’importe qui connaissant le Parc fait ce constat, même d’anciens joueurs comme Rothen et Bravo, qui sont les premiers à le dire. Il y a, bien sûr, une rivalité avec Paris pour nous, mais au-delà de ça, aller au Parc des Princes nous rend triste. On voit là tout ce qui peut nous arriver… Pas besoin de morts. Quand on voit la répression qu’on subit, tous, et ce très très régulièrement : Stéphanois, Niçois – même s’ils ont parfois du mal à ne pas déborder et font des choses condamnables -, Nantais, comme nous-mêmes, c’est parfois hallucinant. A Bordeaux, Sainté et Nantes, même s’ils sont plus jeunes, les groupes ont une certaine maturité. Chez les Stéphanois et chez nous, il y a des leaders – et pas 1 ou 2 mais plus d’une dizaine – qui ont 35-40 ans et même plus, qui ont bourlingué et qui savent qu’il faut faire attention. Il faut savoir canaliser ses membres tout en gardant une spontanéité et un gros côté populaire, mais c’est délicat de marier les deux.
(…) En toute humilité, des choses extraordinaires se passent aussi dans d’autres villes. Rien qu’à Saint-Étienne et même à Nantes, même si on ne les aime pas beaucoup eux. Le mouvement ultra français est malgré tout très vivant et essaye de se faire respecter et entendre, mais il n’est pas écouté ou considéré comme un acteur du football. Pour l’instant, les arrêtés préfectoraux et les interdictions de déplacements ou de tifos ne touchent pas encore trop Bordeaux, mais j’ai bien peur que ça vienne… (…) Localement on arrive à faire un bon boulot, à être respecté et à montrer notre crédibilité, et je crois que c’est le cas pour beaucoup de groupes dans beaucoup de villes. Évidemment, cela implique donc d’avoir des comportements responsables, car si on se comporte comme des voyous sans foi ni loi on sera donc traité ainsi. Mais le mouvement ultra ce n’est pas ça et il faut bien ça expliquer aux gens pour qu’ils le comprennent, nationalement. (…) Avec les politiciens, comme Rama Yade à l’époque de la CNU (Coordination Nationale des Ultras), ou avec Thiriez on nous a dit qu’on voulait nous écouter, dialoguer avec nous, mais on a tout le temps était pris pour des cons. Entre nous écouter et nous entendre, il y avait un océan ! Encore une fois, je vais vous parler de Paris… On a voulu virer les supporters historiques pour mettre des mignons petits supporters officiels du club, mais que se passe-t-il ? Il y a 200-300 personnes qui font des contre parcages et ça crée des soucis car ils refusent de rester avec le nouveau public. Au lieu de tous se mettre autour d’une table et de trouver ensemble des solutions sensées on reste là dans une logique butée et contre productive de répression systématique qui n’amène à rien. On marche quand même un peu sur la tête… »