Dugarry : « Je suis un peu comme toi René (Girard), je n’ai jamais réussi à me corriger »
CD : « J’ai une question un peu plus personnelle à te poser René. Je te connais bien, je t’apprécie énormément, car tu as fait partie de la grande équipe des Girondins des années 80 et tu es un peu une idole pour moi, avec ton caractère vrai. Mais des fois, je suis surpris par ton attitude face à la presse ou sur le banc de touche. Tu rend une image qui n’est pas la tienne, à chercher le conflit, à te sentir un peu persécuté, alors que tu étais un grand joueur et que tu as prouvé, notamment à Montpellier, que tu étais un excellent entraîneur, depuis des années. J’ai toujours dit que j’étais persuadé qu’en restant sélectionneur des Espoirs des Bleus tu aurais pu faire des choses intéressantes. Mais je trouve que tu te mets dans une position un peu défensive avec, surtout, une image qui n’est pas du tout la tienne toi qui es chaleureux et combattant. Certes, tu n’aimes pas qu’on te marche sur les pieds, c’est pour cela que tu réponds, mais des fois ça t’affaiblit je trouve. Tu ne le ressens pas un peu ? »
RG : « Oui, certainement, il y a ce regard-là… J’aimerais qu’on positive, qu’on parle un peu d’autre chose, mais c’est vrai que quand on parle de moi c’est souvent cette image qui ressort. Alors, je n’ai sans doute pas tout fait pour qu’elle soit différente, j’ai fait des choix, et comme tout le monde j’ai pu me tromper, peut-être, dans ma façon d’être, de faire, de donner ou de ne pas donner. Je dis à chaque fois que je ne suis pas rancunier, mais que je n’oublie pas… Il y a quand même un peu de tout ça en fait. Et donc je ne plais pas trop. »
CD : « Mais moi je suis un peu comme toi, je n’ai jamais réussi à me corriger. J’ai revu des images où j’ai une attitude insupportable et j’ai compris certains journalistes ou certains arbitres qui n’en pouvaient plus de moi. Même des partenaires, car j’étais exactement pareil que toi. »
RG : « Je comprends totalement. Mais il ne faut pas, non plus, devenir le dindon de la farce en s’excusant pour ça… »
CD : « Mais tu penses que si tu avais été un entraîneur étranger tu serais apprécié différemment, en ayant un peu plus de considération ? »
RG : « Ben écoute, moi je vois des matches où je me dis que si je fais le quart des mouvements que d’autres font on me dit que je suis cinglé. Je crois qu’il faut trouver un juste milieu. Je sais que j’ai fait des conneries, mais je les ai payées. »
CD : « On les paye tous ces conneries tu sais… Personne ne nous en fait cadeau et ne les oublie. »
RG : « Je vais te dire Christophe, moi ce à quoi je tiens c’est à ma liberté de ton, à ma façon de m’exprimer et d’être. Certains personnes veulent me donner des leçons et n’ont pas à m’en donner. Ma deuxième année à Lille a été terrible à ce niveau, avec Canal +… Tu y étais donc je n’en dirai pas plus. Mais moi, soit j’ignore soit je suis capable de dire les choses en face comme je les pense. Je sais que ce n’est pas bien, qu’aujourd’hui les choses ne doivent pas se passer ainsi dans le monde du foot. Donc j’ai probablement traîné ça, cette image négative, pendant toute ma carrière, de joueur puis d’entraîner. Enfin bon, je ne suis pas si mal dans ma peau, c’est l’important. Même si ça me gonfle un petit peu de devoir me justifier parfois. »
CD : « Tu as bien raison, et de toute façon ça se voit et se ressent ! On ne change jamais vraiment sa nature, mais on peu s’améliore tout de même. »
RG : « Je le sais bien… (rires) »
CD : « Dis-toi que parfois, avant les matches, je me disais de ne pas être aussi insupportable, avec les joueurs, mes équipiers, les arbitres, les supporters… ‘Bon, Duga, aujourd’hui tu fais chier personne !’ ; mais au bout de 10 minutes je faisais chier tout le monde. Voilà, j’étais comme ça. »
RG : « C’est ce qui fait ton charme aussi… »
CD : « Ouais, on va dire ça comme ça… (rires) »