Pierre Rondeau : « Ils pourraient faire grossir ‘Bordeaux’, changer le nom du club en ‘FC Bordeaux’… »
Dans l’émission ‘Girondins Analyse‘ de ce vendredi 28 septembre, sur la radio R.I.G (podcast complet dispo ICI), l’économiste et professeur Pierre Rondeau – spécialiste de l’économie du sport et du football, co-directeur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès et consultant pour plusieurs médias dont Slate, Ecofoot et Cnews – était un de nos invités.
Il a donc donné son regard sur le rachat en cours des Girondins de Bordeaux par le fonds d’investissement General American Capital Partners et ses associés américains, en présentant d’abord l’intérêt pour eux – à ses yeux – de vouloir prendre possession du FCGB.
« Des éléments d’informations sur le rachat ? Ce que je sais se limite à ce qu’on apprend dans la presse, car je ne suis pas dans le secret des dieux ni dans les négociations entre les repreneurs et les dirigeants des Girondins. Mais je peux amener une expertise économique, et en restant parfaitement objectif, avec un regard neutre et non-politisé ou supporters. D’ailleurs, je précise, pour répondre à certaines critiques de supporters que j’ai lues quand vous avez annoncé mon nom sur les réseaux sociaux, que je ne suis pas communiste ou un affreux ultra pro-supporter ! Mais donc, pour en revenir à GACP, la première question à se poser en tant qu’observateur et économiste c’est pourquoi des étrangers, et ici donc des américains en l’occurrence, viennent investir dans le capital des Girondins de Bordeaux et, plus largement, pourquoi le football français attire-t-il ? Ensuite, on va se demander, et c’est sous-jacent, est-ce qu’on peut se faire de l’argent, dégager de la plus-value et de la lucrativité, avec un club de football français, et en particulier les Girondins ? Moi, ça m’interpelle. Beaucoup de questions se posent, à tous les niveaux, dès l’introduction.
Pour essayer d’y répondre, disons déjà que le football français, du fait de sa mondialisation croissante, et surtout depuis les arrivées des premiers grands investisseurs étrangers à Paris et des grandes stars, prend de la valeur, à échelle nationale et internationale. Les investisseurs américains qui arrivent, ils savent très bien que d’ici 2 ans la Ligue 1 vaudra plus d’1 milliard d’euros – 1 milliard et 53 millions d’euros – en droits télés, et qu’elle va sans cesse prendre de la valeur et gagner en notoriété, surtout à l’étranger. Sachant ça, et en ayant aussi l’idée – assez bête économique, si j’ose dire – que la valeur d’un club de L1 – de 50-60M€ à 100M€ – est faible par rapport à celle d’un club italien, anglais ou espagnol qui coûté 300, 400 ou 500M€, s’engager pour le court terme est intéressant. En plus, il y a un potentiel de lucrativité à long terme très important. L’intérêt spéculatif est donc d’acheter à un prix faible, par rapport au reste de l’Europe, et de miser sur une plus-value à plus ou moins long terme. Après, pourquoi des investisseurs choisissent Bordeaux ? Parce que Bordeaux ça représente toute une ville et une région, déjà, et que le nom de cette ville est une marque. A part Paris, Bordeaux est la seule ville dont le nom est connu de tous à l’étranger, pour le vin. Lyon, Marseille, Lille, Rennes etc n’ont pas ça. Aux Etats-Unis, GACP peut jouer sur le fait que n’importe qui connait le nom ‘Bordeaux’. Donc on peut imaginer qu’ils pourraient, comme a fait le Qatar avec le Paris Saint-Germain, capitaliser sur le nom ‘Bordeaux’, via une intensification marketing pour bonifier la marque, en mettant Bordeaux en plus gros, voire changer le logo ou le nom du club des Girondins en ‘FC Bordeaux’ par exemple. Ils se serviraient de ça pour bonifier la marque, les ventes, la fanbase, les recettes merchandising, car leur but, pour un fonds d’investissement à but lucratif, le nerf de la guerre, c’est de générer du profit, et surtout à court terme la plupart du temps. »