Emiliano Sala, le parcours du combattant
Dans le dernier numéro en date du journal ‘So Foot‘, un article est consacré à l’ancien attaquant bordelais Emiliano Sala, aujourd’hui au FC Nantes (mais peut-être plus pour longtemps, ce qui rapporterait un peu d’argent au FCGB…), avec qui il a marqué 43 buts et donné 7 passes décisives ces 30 derniers mois. Actuellement 2ème meilleur buteur de la Ligue 1 2018-19, l’Argentin de 28 ans – que certains vont jusqu’à envoyer… en sélection ! – s’impose malgré un style besogneux et des qualités techniques et esthétiques jamais évidentes, y compris pour ses formateurs. « On peut partir à la guerre avec lui sans problème » a bien résumé Marius Trésor, son ancien entraîneur aux Girondins (réserve).
Pour SF, plusieurs personnes parlent du jeu et du parcours de l’attachant mais « pas très patient » (dixit… lui-même) Emi, alors que ce dernier fuit plus ou moins la médiatisation et mène une vie très simple, aimant juste le foot, milieu dans lequel il s’est battu « pour (sa) famille, eux qui payaient le centre* tous les mois » afin de percer. Et ce même s’il a parfois failli renoncer, car il vient d’un coin d’où aucun joueur notable n’est sorti avant lui, avec une famille peu branchée ballon rond et que son manque de talent ‘naturel’ a logiquement fait que le monde des pros, et en l’occurrence Bordeaux, a mis beaucoup de temps à le remarquer.
Voici des extraits de certains témoignages de ce portait passionnant :
Valentin Rongier (capitaine du FC Nantes actuel) : « Emiliano aura du mal à changer son image. Quand il conduit son ballon, ce n’est pas raffiné, le mot élégant ne convient pas non plus. Mais à chaque début de match, le défenseur se dit : ‘Il va nous faire chier’ ! ».
Francis Gillot (un de ses ex entraîneurs en pro, à Bordeaux) : « Les entraînements, pour lui, c’était le Coupe du Monde. Ce n’est pas un surdoué, comme Ben Arfa, un mec qui va faire des passements de jambes au milieu de terrain, mais il a tellement travaillé que ça ne me surprend pas qu’il en soit là« .
Pascal Gastien (un de ses ex entraîneurs, à Niort, où Bordeaux l’avait prêté) : « Quelqu’un du club lui avait demandé de ‘courir moins pour marquer plus’, mais il était malheureux et avait perdu sa spontanéité, son envie de se battre, donc il scorait moins. J’ai fini par lui dire que c’était une erreur, car il a besoin de courir pour être efficace« .
Patrice Garande (son entraîneur à Caen, où Bordeaux l’avait aussi prêté) : « On l’appelait Bati, car son idole est Gabriel Batistuta. Et ce n’est pas anodin, car il se rapprochait de son style : techniquement, ce n’était pas un monstre, maisil était l’un des meilleurs du monde à la finition« .
Franco Micucci (défenseur de Susanense quand Sala jouait en équipes de jeunes à Guadalupe) : « Il ne joue pas, il se bagarre. C’était un pur numéro 9, de ceux qui sont emmerdés quand ils ont le ballon entre les pieds mais qui mettent des coups de tête dedans comme des animaux. Un buteur-né ».
Alberto Gudiño (journaliste, ami de la famille Sala) : « Emi était très frêle, presque malingre. C’était juste un gamin du village de Progreso parmi tant d’autres, son talent ne sautait pas aux yeux. Si, à l’époque, on m’avait dit qu’il deviendrait pro je n’y aurais pas cru. Lui, il y croyait, et c’est son grand mérite. Depuis qu’il a signé à Nantes, je croise je croise 3 ou 4 types par jour avec un maillot jaune. On suit tous les réseaux sociaux pour voir ce qui se dit sur lui, et quand un match de Nantes passe à la télé, ce qui est rare, le village (3 000 habitants) se paralyse ».
Néstor Fabbri (ex grand défenseur central international argentin du FC Nantes) : « Il arrive que Nantes me consulte pour avoir mon avis sur un joueur local, mais quand ils ont recruté Sala, ils ne l’ont pas fait. J’aurais été bien embêté, car je ne le connaissais pas. Et si un Argentin vous dit le contraire, il ment. Là, ça commence un peu, mais jusqu’ici personne ne savait rien de lui au pays. »
*Proyecto Crecer, filiale des Girondins de Bordeaux en Amérique du Sud.