L. Perpigna : « Bordeaux a gagné bien plus qu’un match ce 19 mars 1996 »
Il y a 23 ans, jour pour jour, quand Bordeaux renversait le grand Milan AC en quart de finale de la Coupe de l’UEFA (0-2, puis 3-0), un certain Laurent Perpigna – un des porte-parole et le meneur vocal le plus apprécié du Virage Sud – n’était encore qu’un jeune supporter d’une douzaine d’années. Mais dans un billet qu’il partage via les réseaux sociaux, il se souvient très bien que c’est notamment ce jour-là que sa passion pour les Girondins a pris une autre ampleur.
Extraits du superbe texte de Laurent :
« (…) C’est certainement mon plus beau souvenir de stade, le plus pur, en tout cas. J’insiste. Des moments d’exception, grâce aux Ultramarines et aux Girondins, j’ai eu la chance d’en connaître. (…) Et pourtant, s’il ne doit rester qu’un moment de cette histoire passionnelle avec le FCGB, c’est celui que j’ai vécu lors de ce Bordeaux – Milan, à même pas 13 ans, au milieu d’une foule d’anonymes. Depuis, il n’y a pas un 19 mars où je n’y pense pas. C’est un souvenir obsessionnel.
Pourtant, réduire ce Bordeaux-Milan à un temps de jeu et à un simple exploit sportif constitue à mon sens une réelle erreur. Ce Bordeaux – Milan AC n’a pas débuté au coup d’envoi donné par le désormais célèbre M. Çakar, mais bien le 9 décembre 1995, dès le tirage au sort de ces 1/4 de finale de coupe UEFA. Il n’y avait pas de réseaux sociaux, pas de sites internet, pas de chaînes d’information en continu. Mais, à peine quelques heures après l’annonce de ce choc, c’est toute une ville qui ne parlait plus que de ça. (…) Bordeaux n’est pas du style à se draper d’habits de lumière ; l’attachement de la ville à son club de football est pour le moins réservé. Et pourtant, je me souviens de fanions aux couleurs du match disposés en centre-ville et au cœur des grandes places, provoquant ainsi le grand retour du football dans l’espace urbain.
(…) Ce 19 mars 1996, et c’est une des clés de cette victoire, ce n’était pas un simple match de football. C’était bien plus. C’était une bataille entre onze vedettes mondaines et arrogantes et onze guerriers au talent collectif plutôt limité, une sorte de David contre Goliath des temps modernes. (…) Je suis installé quelque part, en haut du Virage Sud. Loin de ses tambours, mais si près de son cœur. La folie a pris possession des lieux. C’est elle qui mène la danse. Le Virage Sud est dans son meilleur rôle : celui d’une tribune incontrôlable. Le premier but de Didier Tholot au quart d’heure de jeu me fait trembler. Au fil des minutes, Lescure semble devenir de plus en plus petit, oppressant, étouffant.
(…) Ce qui suit (la fin du match) dépasse le cadre du football. Il n’y a plus de retenue, plus de limites. Embrassades, larmes, c’est toute une ville qui a l’impression d’avoir gagné une coupe du monde. Bordeaux a gagné bien plus qu’un match de football ce 19 mars 1996. Il a rendu fou de joie des dizaines de milliers de personnes, et il a surtout donné aux plus jeunes l’envie de croire encore en la magie d’un sport qui était déjà en 1996, de plus en plus prévisible. Ce fut mon cas. »