J. Gourvennec : « Je voulais garder des joueurs mais eux voulaient partir »
Interrogé en longueur sur ses derniers mois comme coach, à Bordeaux, puis en période de recherche de club et depuis son retour à Guingamp, Jocelyn Gourvennec confie à Ouest-France les différentes erreurs qu’il a pu commettre lors de sa fin galère à Bordeaux (automne et hiver 17-18, jusqu’à son renvoi en janvier). Le Breton, qui a eu quatre sollicitations à l’intersaison (« des prémices de discussion avec des clubs à l’étranger et surtout un échange plus poussé avec Nantes, car j’avais voulu approfondir, mais ça n’a pas matché quand on a voulu cadrer les choses, donc j’ai dit non« ), analyse ainsi sa fin d’aventure au FCGB :
« On avait plutôt bien réussi sur la première saison (6ème de Ligue 1, avec 59 points, en 2016-17), avec surtout une deuxième partie de saison très réussie. Mais je pense qu‘on a un peu trop modifié l’effectif. Pas que par choix… Car il y a des joueurs que moi je voulais garder mais qui eux ne voulaient plus rester du tout. Je pense à Rolan, par exemple, ou à Adam Ounas, car je pense qu’il y avait encore des choses à faire avec eux. Et donc, eux, partant, il a fallu les remplacer. Mais je pense surtout qu’on a trop modifié l’effectif et qu’on n’a pas bien géré des cas, comme celui de Nicolas Pallois, dont je pense que le départ n’a pas été une bonne chose. Après, ce sont des choix d’équilibre d’effectif qui n’ont pas été des réussites et n’ont pas eu de bonnes conséquences, même si on a fait un très bon début de championnat, puis que petit à petit ça s’est mal enclenché. Après, voilà, il y a quand même eu une bonne ambiance de travail…
Mais le fonctionnement du club faisait qu’on pouvait faire certaines choses et d’autres non. L’actionnaire était à Paris, il décidait si c’était oui ou non pour tel ou tel recrutement et tel ou tel choix impactant le sportif. Ça, c’était des choses que moi j’aurais peut-être faites assez différemment. Mais après, l’entraîneur reste l’entraîneur et a du monde au-dessus de lui. Le manque de caractère ? Oui, il en faut du caractère, mais il faut bien tout doser : expérience, jeunesse, des joueurs réfléchis, d’autres plus instinctifs, des joueurs profilés techniques, d’autres plus athlétiques. Et ce mélange-là fait la richesse de votre effectif. Mais je crois que, à Bordeaux, la grande chose que je retiendrai de cette expérience c’est que le mieux est l’ennemi du bien. On avait, à l’intersaison 2017, une équipe qui tournait bien, et un staff qui fonctionnait très bien. Et il faut faire attention, quand on bouge les lignes, de les bouger avec dosage.
(…) Si je me suis renfermé sur moi-même pour me remettre en question ? Quand les mauvais résultats durent, on tente plein de choses. On joue sur la compo d’équipe, l’organisation, la stratégie, le coaching, le discours en interne, évidemment, à la fois collectivement et en individuel. J’ai joué sur tout ça, vous imaginez bien… Je ne suis pas resté sans rien faire. Mais quand vous voyez que ça n’a pas beaucoup d’effets, à un moment donné (sourire)… l’entraîneur est un peu seul. Alors on ne fuit pas nos responsabilités, car ça en fait partie, mais après il faut aussi qu’au club, les gens autour prennent le relais. Alors j’ai attendu ça, un petit peu, puis beaucoup… Mais après, c’était dur, c’est devenu difficile. Mais c’est comme ça, ça reste une expérience. On est jugé sur les résultats, partout, dans tous les clubs, il faut l’accepter. Dans les moments où ça marche, il faut en profiter, mais savoir anticiper les signes avant coureur, car ça ne dure jamais. Et, à l’inverse, quand ça ne marche pas, il faut voir les signes montrant que ça progresse, qu’on avance et qu’on va y arriver. Alors, au-delà du résultat, on travaille sur ce qu’on peut maîtriser : la gestion du groupe, du staff, la stratégie, l’état d’esprit de travail du groupe, la préparation des matches, le contenu des entraînements, la connaissance de l’adversaire. Après, le reste… C’est un plus. Un plus qui vient à partir du travail en amont, de la maîtrise de sa tâche, sans se disperser, en restant dans le concret pour s’éviter la pression négative. »