G. Favard : « Il y aura 2-3 catastrophes, pour réguler ; Bordeaux en sera »
Très inquiet pour les Girondins de Bordeaux, « son » club, dont il a été conseiller du président à l’époque Claude Bez, Gilles Favard, désormais consultant pour La Chaîne L’Équipe, explique dans ‘Tour de Table‘ comment il vit mal de voir le FCGB actuel perdre son identité.
« Avec le trading et ses dérives, qui font que la formation ne sert plus à rien – regardez Monaco, ils ont 79 contrats professionnels, donc en fait pourquoi ils gardent un centre de formation qui leur coûte de l’argent si les jeunes n’ont plus de place pour jouer en haut car il y a déjà des mecs plus chers qu’eux sur le marché dans l’effectif ? -, je pense qu’il va y avoir deux ou trois catastrophes dans le foot en général, pour que ça se régule. Lille n’est pas passé loin de ‘rater le trapèze’ comme on dit dans le jeu, mais c’est le serpent qui se mort la queue. Bordeaux, ils vont en être… Le club a été racheté par des fonds d’investissement américains, il y a eu la combine des Portugais, puis des Espagnols, et demain ce sera peut-être des Hollandais. Mais un club ne peut pas progresser comme ça. Des affaires, on peut en faire dans le foot, comme partout, mais il faut du temps pour construire, ça ne se fait pas en claquant des doigts. Puis il faut mettre de l’argent et avoir du cul en tombant sur de bons joueurs, une bonne génération. Et en sachant qu’on ne peut pas avoir chaque fois la réussite qu’a eu le Monaco champion de France 2017… Ça n’existe pas.
Bordeaux, ce qui me fait peur, c’est que je vois ce qui est en train de se passer… Je vois que c’est un club qui n’a plus d’identité. Durant mon époque, Bez, c’était un mec du Sud-Ouest. On mangeait du foie gras, on buvait du vin aux repas ; et le foie gras était à la fin attention, puis si on s’en moquait on se prenait une rafale, car c’était la tradition ! Je ne suis pas Bordelais de naissance, mais je le suis par mon père, mes grand-parents, qui sont tous Bordelais. Mais Bez, qui me disait au début que j’étais Parisien pour que je comprenne, il avait cette identité. Quand il écrivait au président de la Ligue Nationale, à l’époque, il signait ‘votre lointain vassal de l’Aquitaine’. Il écrivait comme ça, pour vous dire dans quel état d’esprit il était. Et il était très copain avec les mecs de Bègles, les Moga, donc ils allaient tous les trois voir Chaban-Delmas et ils s’arrangeaient entre eux, car il fallait des équipes compétitives. C’était une identité régionale : foot et rugby. Et il fallait donner pour ça. Et même le dirigeant d’Orthez, en basket, il était là à tous les matches. Alors après, oui, il y a eu des excès, tout ce que vous voulez, et on peut en parler. Mais, je suis désolé, à l’époque de Claude Bez, le meilleur joueur, emblématique des Girondins de Bordeaux, il s’appelle Alain Giresse ; alors que Zinédine Zidane a ensuite joué aux Girondins de Bordeaux… Et maintenant, Giresse, ils ne sont pas capables de le prendre comme ambassadeur les abrutis qui sont là ? Bah non. Moi, tu me mets à la tête des Girondins, la première chose que je fais c’est ça. Je dis à Giresse de venir, je le mets ambassadeur, je l’installe, je lui demande de quoi il a besoin… Parce que quand tu vas à Bacalan, à Caudéran ou où tu veux à Bordeaux pour faire signer un môme de 12-13 ans, vaut mieux que tu y ailles avec Alain Giresse hein… Parce que son père va connaître.
C’est aussi simple que ça. Il faut mieux savoir se vendre. Et pour moi, c’est une désolation, mais je n’en parle jamais. Quand je fais L’Équipe du Soir, vraiment, ça me fait de l’effet. Personne ne le sait, mais je regarde en coin de table, et quand je vois les résultats ça me fait une boule. Mais je ferme ma gueule et je dis rien. Sauf que s’il y a bien un truc qui m’emmerde, c’est de voir l’état des Girondins de Bordeaux. »
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