Christophe Dugarry raconte les dessous de son but contre l’Afrique du Sud

Ex espoir formé par les Girondins puis jeune attaquant titulaire de Bordeaux, où il s’est révélé peu à peu en D1 pour devenir un international A français, Christophe Dugarry s’est souvenu longuement, sur RMC, d’un des buts majeurs de sa carrière : celui contre l’Afrique du Sud, avec les Bleus, lors du match d’ouverture du Mondial 98, que la France gagnera, à domicile.

« Ce but, il a une longue histoire, qu’il faut remonter. Ce match-là, il a été très important sportivement et même humainement pour moi, car ça a été un déclic. J’étais dans une période très délicate et à partir du moment où la liste pour le Mondial a été annoncée… je ne vais pas dire que je suis sur la sellette, car je suis dans le groupe, mais absolument tous les médias disent que je ne dois pas être là, que la France ne sera pas championne du Monde avec les joueurs qu’Aimé Jacquet a pris, qu’il ne comprend rien etc. Et moi, donc, je fais partie de ces nombreuses critiques autour de l’équipe de France. Ce premier match, à Marseille, je l’attends comme une délivrance, comme toute l’équipe, mais je suis un peu dans mon cocon pour le préparer et j’essaye de trouver les moments de concentration, les moments positifs ; mais c’est compliqué vu le climat… En fait, quand j’avais signé au Milan AC en 96, puis ensuite au Barça, j’ai peu joué ; surtout à Barcelone. Et Aimé disait que si au 1er janvier 98 un mec n’est pas titulaire en club il ne peut pas jouer la Coupe du Monde. Moi, à partir du moment où je suis parti des Girondins de Bordeaux, mon seul objectif était de jouer la Coupe du Monde chez nous deux ans plus tard. Alors je signer à Marseille, mais c’était compliqué là-bas aussi, je me suis beaucoup blessé, j’ai eu du mal à me faire à l’OM. Mais jouer cette Coupe du Monde et être là le moment présent, au stade Vélodrome, c’était mon but ultime. En venant à l’OM, j’avais baissé mon salaire pour pouvoir me relancer, car jouer ce Mondial était mon seul et unique objectif du moment.

Avant ce match des débuts, contre l’Afrique du Sud, je pense pouvoir démarrer titulaire, mais Aimé vient me voir la veille et me dit que je ne vais pas débuter ; alors que je suis persuadé de débuter. C’était dur… Mais malgré tout, j’y suis, dans le groupe, et je sais que c’est le moment où je dois faire taire les critiques. C’est un moment important pour les Bleus, le pays, mais peut-être encore plus important encore pour moi. Car vu les critiques et la pression, ma tête est sur l’échafaud, avec celle d’Aimé Jacquet juste à côté (rire). Du coup, en sortant du vestiaire et en sentant l’ambiance, l’atmosphère, j’ai versé ma larme d’émotion. J’étais soulagé d’être là en fait, finalement, et donc assez relâché.

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(…) Pendant le match, quand Stéphane Guivarc’h, qui était titulaire en pointe, se blesse, Aimé me regarde tout de suite et me dit : ‘Allez, Va t’échauffer, tu vas rentrer !’. Avant-centre, ce n’était pas mon registre, donc j’étais étonné, car je pense, j’étais sûr même, qu’Aimé allait faire entrer David Trézéguet. Mais non, il a eu confiance en moi… Mais quand je rentre, il y a les trois quarts du stade qui commencent à me siffler. Jouer au Vélodrome, ça a ses avantage car je connais l’environnement, mais je sais aussi très bien comment ça peut partir… Après, il y a la fameuse première action où je rate mon face-à-face avec le gardien, mais moi ; même si tout le monde en a parlé comme d’un gros raté ; ça m’a permis de me mettre dans le match, car j’avais fait une bon appel, bien senti le truc, et que je m’étais créé une occasion rapidement.

(…) Le but ? Je suis à ma place habituelle sur les coups de pieds arrêtés : au premier poteau, devant le gardien, pour anticiper avant sa sortie, et je me décale un peu. J’ai aussi marqué comme ça, ensuite, face aux Pays-Bas à l’Euro 2000 et également avec Marseille. Pour moi, c’est un bon endroit car les défenseurs se disent que le goal s’occupe de toi et donc ils ne te prennent pas au marquage. Je savais que Zizou allait essayer de me mettre le ballon, car on avait déjà travaillé cette situation et on savait que ça pouvait fonctionner. Il y a beaucoup de vent, le ballon tourne et je le vois arriver ; mais là la subtilité est de pouvoir le dévier de la tête juste ce qu’il faut. Donc je saute pour prendre le dessus sur le gardien et être en avance sur lui, mais je rentre un peu la tête pour juste dévier le ballon. Et puis par bonheur ça touche le poteau et ça rentre (sourire).

Ma célébration où je tire la langue et où je fais presque des doigts (rire) ? Tout me passe par la tête à ce moment. J’ai envie de mettre les doigts du milieu quand je fais ce geste-là en balançant les bras, mais ç’aurait été moche et je l’aurais regretté toute ma vie de laisser cette image. En fait, plus que de montrer mes poings, j’ai envie de répondre à une partie des journalistes et à ceux qui m’ont sifflé quand je suis rentré, puis quand j’ai raté ma première occasion ou quand j’ai fait un double contact et que je me suis raté ; avant de marquer ce but… Et je pense que c’est légitime. Mais je n’ai rien fait de plus et tant mieux, car ça aurait gâché mon but, mon événement, ma rédemption en donnant une mauvais image, aujourd’hui, pour mes enfants. On aurait plus parlé du geste que du but… Donc heureusement que j’ai eu ce réflexe de ne pas trop en faire. J’ai préféré aller embrasser Aimé, mais je ne sais même plus trop pourquoi (rire) ! »

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