Patrick Favier : « DaGrosa a beaucoup communiqué, mais rien de constructif »
Fin mai, nos amis et partenaires de l’émission radio ‘Girondins Analyse‘ ont discuté avec le journaliste Patrick Favier (Sud Ouest, spécialisé économie du sport et du football), qui a répondu à leurs questions concernant l’actualité économique incertaine des Girondins de Bordeaux.
Apportant des explications sur le déficit du FCGB (« au moins 60 M€ »), sur son endettement auprès de Fortress ou encore sur le passage prochain devant la DNCG et l’importance des choix de l’actionnaire King Street, Patrick Favier tente d’analyser ce qui pourrait faire que King Street veuille garder le club aquitain sans vouloir le revendre tout de suite. Il revient aussi, plus en détails, sur la gestion néfaste de GACP, qui a contraint King Street à passer en première ligne alors que KS n’en avait aucune envie car ce n’est pas un fonctionnement habituel pour une fonds d’investissement comme eux :
« Mon opinion personnelle, et qui n’engage que moi, elle est que, déjà, je n’ai pas compris pourquoi King Street a racheté les Girondins, surtout à ce prix-là (100 M€). Après, mon opinion personnelle, elle ne compte pas, donc je me retourne vers Monsieur David Armstrong, le spécialiste des fonds d’investissement que j’avais interrogé récemment pour Sud Ouest. Et lui me disait qu’en général les fonds d’investissement cherchent, logiquement, des activités profitables et des sociétés qu’ils pensent pouvoir revendre – 8 ans après, en moyenne – à un meilleur prix que celui d’achat. Donc, eux doivent voir des choses qu’on ne voit pas, pour faire redécoller le business. Peut-être qu’ils attendent beaucoup des droits télés en hausse, que le marché des transferts peut donner l’occasion de faire de l’argent… Ce sont des professionnels du business, normalement bien plus compétents que moi, donc ils achètent toujours une société en se disant qu’ils vont pouvoir y arriver. Mais là, pour Bordeaux, j’ai l’impression qu’avec GACP King Street ne s’est pas associé au meilleur partenaire pour y arriver… Au passage, il faut dire que GACP, qui est maintenant sorti des Girondins car King Street a racheté leurs parts, minoritaires, n’ont pas perdu d’argent. Ils en ont même plutôt gagné : déjà, au niveau des frais de management qui leur étaient dus, des frais obtenus dès le montage du rachat, puis en négociant ensuite leur départ. Donc eux, GACP, s’en sont vraiment bien tirés, et il ne faut pas l’oublier. Après, Monsieur Armstrong me disait qu’il est courant, sur le principe, que des grands fonds d’investissement rachètent des sociétés mais aient des partenaires minoritaires pour assurer la gestion opérationnelle, pendant qu’eux restent loin, après avoir nommé des gens pour gérer. Là, ce devait être Joe DaGrosa et GACP, mais derrière… On a vu que le problème était plutôt chez eux.
Maintenant, le fonds King Street, qui est à ‘plaindre’ dans le coup, car ce sont quand même eux qui ont décidé d’acheter le club, même si c’était poussé par GAPC, il faut qu’ils aient un plan. L’important, sur ce point, c’est de bien situer, quand même, qu’il y a des tendances qui attestent de l’envie de King Street de réussir avec les Girondins de Bordeaux. On voit, par exemple, qu’ils négocient avec la métropole et avec SBA pour être, au moins, co-gestionnaire du stade, et que l’équipe dirigeante et d’administration s’étoffe avec de nouvelles personnes. Ça, c’est des signes que King Street a un espoir de réussir. Après, en effet, s’ils estiment qu’ils ne peuvent plus réussir, ils ont cette capacité à arrêter les frais. Donc, la grande énigme, c’est de savoir à quel point ils sont capable d’y croire et de s’engager encore.
Malgré tout, le fait que King Street soit loin, c’est un problème. Ça l’avait été pour la DNCG, qui avait validé, non sans réserve, les plans de GACP et DaGrosa, mais avait demandé à voir aussi quelqu’un de King Street. Maintenant, c’est le maire de Bordeaux, Nicolas Florian, qui veut voir King Street. Mais déjà, et de très bonne source, je crois qu’à l’époque du rachat à M6, le précédent actionnaire des Girondins n’avait pu avoir que très peu de contacts avec les hauts dirigeants de King Street. Donc on voit que, pour ces grands fonds, c’est habituel. Du coup, on voit bien que c’est vraiment contraints et forcés par la situation, qu’ils ont été obligés de reprendre la gestion du club à GACP. S’ils ont été obligés de faire ça, c’est car Joe DaGrosa avait dit à la DNCG qu’il allait baisser les charges salariales du club ; alors qu’au contraire, un an plus tard, lui qui disait qu’il baisserait les salaires, il se félicitait d’avoir augmenté la masse salariale de 11 M€… DaGrosa, il a fait beaucoup de comm’, au final, mais rien de très constructif. Du coup, ensuite, King Street a récupéré le bébé, en se retrouvant dans des circonstances qu’ils n’avaient absolument pas prévues. La première chose qu’ils ont faite, alors, c’est renforcer leur homme, Frédéric Longuépée, passé PDG, alors qu’il n’était peut-être pas fait pour ça. En tout cas, pour répondre juste sur l’éloignement de King Street, il faut bien se dire que c’est la nature des fonds d’investissement, qui sont habitués à confier à des salariés, des cadres de très haut niveau, la gestion des entreprises rachetées. En tout cas, sur le principe, vraiment, c’est logique que King Street n’intervienne pas. Ces fonds-là, ils sont plus au contact de leurs investisseurs et souscripteurs qui leur donnent de l’argent ; le reste, ce ne doit pas être leurs affaires en théorie. »
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