Alain Giresse : « La concurrence a grandi pour pouvoir conserver les jeunes locaux »
Alain Giresse a développé un important passage sur l’identité régionale du football et le développement de la Formation lors de son passage dans l’émission ‘Nous Les Girondins’ sur Girondins Analyse.
« À mon époque, les recrutements ne se faisaient que sur le Sud Ouest et l’Aquitaine. Les joueurs venaient du Pays-Basque, des Landes… ce qui a changé c’est que les centres de formation se sont créés dans chaque club alors qu’avant les précurseurs étaient Saint-Étienne et Auxerre. La concurrence est devenue plus dure pour pouvoir conserver des jeunes de la région. À présent, on remonte très bas dans les catégories d’âge pour assurer cette détection. Les jeunes sont pris en charge que ce soit au niveau de l’hébergement, la scolarité, ils sont dans un monde à part. Ils vivent déjà comme des petits sportifs de haut niveau. On met tout à leur disposition ce qui quelques fois fait qu’on est toujours dans le confort. Il n’est pas évident alors, quand on arrive à de la difficulté comme la compétition peut en emmener, de ne pas avoir sur le plan mental les ressources nécessaires pour y faire face. Que le match soit gagné ou perdu, au final rien ne change puisque vous avez votre petit confort, vous êtes biens… Personnellement, quand je venais m’entraîner et jouer, je venais en bus, j’avais ainsi accès à la vie active, à la vie que les gens connaissent. Là, c’est fini pour eux, ils sont dans un espèce de cocon qui les emmène là. Ceux qui réussissent sont ceux qui ont conservé une passion et une ambition sportive, la vraie. Ce sont ceux aussi qui ne se laissent pas bercer par des attitudes qui les font dériver. »
« Concernant les Girondins et la région, nous sommes pourtant dans une région qui est plus marquée par le ballon qui est plus ovale. À Bordeaux, finalement, on est un peu dans une tour d’ivoire au milieu de la région : il n’y a pas d’autre club – à part Pau en 2e Division – autrement on est dans le vide, malgré ça, regardez les joueurs issus de cette région qui ont performé au plus haut niveau. Il y a vraiment un vivier. Ce vivier, il faut le faire revivre. La principale source pour notre centre de formation, c’est d’avoir d’abord, une proximité, un relationnel avec la région pour pouvoir faire en sorte que les joueurs viennent aux Girondins. Ce qui me gêne un peu aujourd’hui, c’est qu’avant, les joueurs de la région étaient idolâtrés. Récemment, j’échangeais encore avec Bixente Lizarazu dont on sait tous de quelle région il vient, et il me disait ‘T’es mon idole !’ Il y a ce lien. Je ne pense pas qu’aujourdhui, les jeunes de la région aient un tel attachement pour les joueurs de l’équipe première par rapport à l’équipe première, au club et à l’image qu’il donne… Ça, ça me dérange car c’était une force des Girondins, notamment dans ce chapitre de la formation. Mais pour faire cela il faut être en capacité d’accueillir le joueur. Quelque chose de très important, c’est le lien familial qu’il faut conserver. Je parlais de Liza, mais si on imagine un peu, quand il est venu jouer aux Girondins, s’il était allé jouer à Strasbourg, à Lille, ou à Lens, vous pensez que sur le plan mental/moral il aurait été dans les meilleures conditions ? Alors qu’à Bordeaux, ses parents montaient, lui pouvait descendre. Il y avait cette proximité familiale qui était importante pour un jeune. Dans le cas où un jeune ne réussit pas aussi, c’est moins douloureux que quelqu’un qu’on envoyait à l’autre bout du pays en lui disant ‘Tu es obligé de réussir’. En tant que club, il faut d’abord de positionner comme un représentant fort, apprécié, adoré, qui facilite la possibilité de faire venir des jeunes joueurs. »
Enfin au niveau de l’identité locale et régionale, Alain Giresse a rapidement évoqué un joueur symbolique pour lui à son époque :
« Il y avait un joueur qui me marquait à l’époque, c’était Guy Calléja car c’était le symbole de Bordeaux. C’était un local, devenu capitaine. C’était un homme de devoir, un numéro 6, un représentant de ce que l’on évoque quand on parle d’être Girondin. Il représentait déjà à l’époque ce dont on parle aujourd’hui. »
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