F. Brunet : « On ne peut atteindre la C1 qu’avec un public de supporters »
Encore lors de son grand entretien, publié hier soir, mené par le journaliste et historien du club Julien Bée, pour le podcast numéro 8 de ‘Le Point G‘ (GOLD FM, avec G4e), le porte-parole des Ultramarines Bordeaux 87, Florian Brunet, parle de la vision d’Antony Thiodet, directeur de la billetterie des Girondins, dont les UB 87 demandent aussi la direction. La démission du président-délégué actuel, Frédéric Longuépée, est aussi réclamée par les UB, pour des raisons déjà expliquées mais auxquelles Florian Brunet rajoute bien des détails, dont le cas de David Lafarge, responsable historique de la sécurité du FCGB, que Longuépée a voulu écarter.
« On nous explique qu’on met le paquet sur les gros matches de la saison. Bon, ok. Mais ça veut dire quoi ça ? On nous dit que contre Paris c’est une réussite. Mais qu’est-ce qui est une réussite ? On s’intéresse juste aux recettes et pas à l’affluence, et là c’est quelque chose de fondamental. Pourquoi Thiodet est content de Bordeaux – Paris ? Car il a fait une meilleure recette que l’année dernière, sauf que l’affluence n’est pas meilleure. Alors, c’est quoi l’important ? La recette ou l’affluence ? Bah pour ces gens-là, c’est la recette, pas l’affluence. Et là aussi on arrive au bout de leur philosophie, celle qui est totalement contre-productive à moyen et long terme. C’est à dire qu’ils nous font croire que la recette est importante, sauf que c’est l’affluence qui rapporte des points. Donc ça prouve bien que leur méthode est contre-productive. Ils s’intéressent aux recettes à court terme, mais il vaut mieux avoir beaucoup plus de gens au stade, quitte à faire moins de recettes, puisque ces gens-là vont pousser l’équipe et permettre à l’équipe de marquer des points. Donc puisque le board – les vrais patrons des Girondins de Bordeaux, qu’il faut citer comme ça – ne s’intéresse qu’à la finance, il faut faire comprendre au board que leur stratégie paye peut-être à court terme mais ne payera pas à moyen et long terme.
Ce qui rapportera de l’argent, c’est le terrain et pour que le terrain rapporte de l’argent, il faut que le terrain gagne, et pour que le terrain gagne, il faut qu’il y ait un public qui pousse l’équipe. C’est ça qui paiera à moyen et long terme, pas de se focaliser sur des recettes à court terme et se gargariser d’un Bordeaux – Paris où on a fait une meilleure recette. On ne peut pas se gargariser d’un Bordeaux – Paris où il y avait moins d’affluence, car on arrive au bout de la philosophie. On nous explique qu’on ne met le paquet que sur les gros matches, que ce n’est pas grave si pour Metz et Brest il n’y a que 15 000 personnes pour l’affluence : mais d’une part il n’y avait pas 15 000, mais 10 000 personnes – un nouveau mensonge – et d’autre part ce n’est pas possible de tenir ce discours, car tous les matches valent trois points. Et c’est facile de remplir Gallice pour Paris ou pour Marseille ; c’est facile… Déjà, il y a un tiers du stade qui est Parisien ou Marseillais. On n’a pas attendu Frédéric Longuépée ou Antony Thiodet pour faire guichets fermés contre Paris et Marseille. Le problème n’est pas ces deux matches, mais tous les autres matches. L’objectif premier doit être de mettre le paquet sur les petits matches et non sur les gros, car sur les gros c’est facile. Alors voilà, toute cette philosophie, même étayée et argumentée, elle est totalement à l’opposé de notre vision. Et surtout, elle est préjudiciable pour le club.
On doit avoir une seule et unique obsession aux Girondins de Bordeaux, une seule et unique : c’est la Ligue des Champions. Voilà. Ça doit être notre objectif à tous, notre obsession à tous. Ça va prendre du temps, mais la Ligue des Champions est dans l’ADN des Girondins de Bordeaux et on doit y regoûter le plus rapidement possible. En plus, et pour le board, il n’y a que la Ligue des Champions qui rapportera de l’argent. On nous parle de la billetterie, mais la billetterie ça représente combien dans le budget des Girondins ? 5% ? 4% ? 3% ? C’est peanuts ! Demain, si tu te qualifies pour la Ligue des Champions, ce n’est pas des petites histoires de billetterie où on a fait des bonnes recettes ; mais là on parlera de 20M€ quand la qualification elle est passée, donc d’une manne financière énorme. Et ça, ça doit être réellement notre obsession, parce qu’il n’y a que ça qui permettra de développer le club. Mais la Ligue des Champions, comment on l’atteint ? Avec un public… Regardez Paris. Ils ont essayé de faire sans les Ultras, ils ont essayé. Et pourtant ils n’ont pas de culture ultra les Qataris… Mais ils ont essayé de fonctionner sans les ultras et ils se sont rendus compte qu’il n’y avait pas de public et que le public ça leur rapporterait des points. Donc ils les ont fait revenir, les Ultras. Et aujourd’hui, il y a de nouveau un public au PSG. On ne peut pas atteindre la Ligue des Champions si on n’a pas un vrai public de supporters. Et ce que ces gens-là veulent c’est un public de spectateurs. Mais avec un public de spectateurs, on n’atteindra jamais le Graal.
(…) Les Girondins ont besoin de nous, oui, mais on n’est pas des obligés. Je veux dire que… les gens nous reprochent – enfin, certaines personnes – de ne pas avoir chanté dimanche, mais on n’a de comptes à rendre à personne si ce n’est à nos membres et à notre tribune du Virage Sud. Après, je parle là d’un problème philosophique, mais le plus important c’est que, derrière ça, tout un tas de problèmes ont engendré cette situation. Moi, depuis 20 ans de pratique, je suis l’unique interlocuteur du président, avec une ligne directe entre le président du club et moi, depuis 1996. Ça a toujours fonctionné comme ça, car on a voulu un seul et unique interlocuteur avec le président, pour que la parole soit claire et ne se disperse pas.
Moi, quand Frédéric Longuépée est arrivé – et c’est peut-être la seule chose pertinente qu’il ait faite avec nous -, il a demandé à me voir en tête-à-tête. Alors on s’est vus… Sa première chose, ça a été de me parler des fumigènes, et je lui ai dit : ‘Heureusement qu’on s’est vus en tête-à-tête, car la manière dont vous introduisez l’affaire n’aurait pas plu à mes collègues’. Puis je lui ai expliqué que le souci des fumigènes il avait été réglé il y a 20 ans, et qu’il y avait une confiance mutuelle entre le club et nous, avec des retenues, une très grande attention pour ne pas pénaliser le club, donc que s’il partait d’entrée sur ce terrain-là on commençait très mal… Ensuite, pendant deux heures – longtemps donc – je lui ai expliqué tout ce qu’il fallait qu’il sache pour bien appréhender son nouveau rôle : l’histoire du partenariat FCGB – Ultramarines, son évolution, son organisation, ‘Adieu Lescure’ ; tout un tas de choses. Je lui ai donné tous les éléments pour agir en bonne intelligence et que ça se passe bonne avec nous. Et il a toujours fait l’inverse de ce qu’on lui avait dit de faire. Les marques d’irrespect et de dédain se sont succédées les unes après les autres. Moi, j’ai bien senti, très rapidement, que ce n’était pas quelqu’un de franc, qu’il avait du mal à m’appeler et passait par des chemins détournés… Enfin, bref, passons. Mais, il tente quand même une réunion avec Joe DaGrosa et Hugo Varela, la saison dernière, et nous annonce que David Lafarge va changer de responsabilités ; comme ça. Alors que David Lafarge, c’est le responsable de la sécurité des Girondins de Bordeaux depuis la fin des années 90. Il est arrivé à ce poste dans une grosse période de conflits entre nous et le club, par rapport à la sécurité, avec comme débouché des incidents majeurs lors d’un Bordeaux – Lorient en 99 et une dizaine de personnes à l’hôpital. Jean-Bernard Lafaye, responsable sécurité de l’époque, avait lâché les chiens et ça avait été une vraie émeute… On était alors dans une situation de non-retour et David Lafarge avait permis à tout le monde de sortir la tête haute de cette affaire. Et depuis 20 ans qu’on travaille avec lui, et avec Jean-Louis Triaud pendant très longtemps, on a pu voir que ça a été bénéfique pour tout le monde. On a une tribune populaire soutenue, faisant de magnifiques tifos, allant aux quatre coins de la France et de l’Europe, ne faisant jamais parler d’elle en mal et étant connue mondialement pour son anti-racisme et sa tolérance. Donc ça saute aux yeux de tous que cette collaboration club – ultras est bénéfique. Le point d’orgue, en 2015, c’est ‘Adieu Lescure’, qui a complètement fini de sacraliser l’importance des Ultramarines au sein des Girondins de Bordeaux, car à 95% cet évènement a été organisé par les Ultramarines. On a rassemblé des milliers de personnes, fait un cortège de 10 000 personnes entre la place de la République et le stade, on a fait un tifo extraordinaire, une soiré mémorable ; tout ça en totale indépendance ; pour faire l’un des plus beaux jours de la vie de milliers de personnes, dont quelques milliers sont restées la nuit pour le concert et des centaines se sont faites virer par les chiens à 4h du matin. Bref, ce jour-là il a sacralisé pour de bon l’importance des Ultramarines au sein du club et on a mérité ce rôle par notre travail depuis 32 ans.
David Lafarge, du coup, il a participé à tout ça et c’est la seule personne en qui on a totalement confiance. Et ça, la confiance, ça prend très longtemps et ça ne se fait pas du jour au lendemain, quand vous dirigez une tribune avec des milliers de membres et des centaines de stadiers. Mais après 22 ans de travail, en tout confiance et intelligence, il n’y a pas un souci de sécurité à Bordeaux. Et Longuépée, sans vergogne, alors que notre bonne collaboration dure depuis 22 ans, il a annoncé à DaGrosa et à Varela qu’il allait mettre un nouveau responsable de la sécurité. Mais nous on a changé de couleur là… On avait expliqué dès le départ à Longuépée que David Lafarge était intouchable, qu’il avait toute notre confiance et qu’on accepterait jamais de travailler avec quelqu’un d’autre. Et instantanément Longuépée a été désavoué par DaGrosa et Varela, donc je ne vous dis pas la crédibilité de ce garçon… Le mec arrive avec une décision, et immédiatement DaGrosa et Varela ils lui disent qu’il est bien gentil mais que certainement pas. Sa tentative a donc été vaine, mais nous on a gardé ça en tête, comment voulez-vous l’oublier ? Après, les choses ont continué… On a eu son accord et celui de DaGrosa pour faire notre tifo contre Marseille, on commande les cierges magiques – 10 000€, ni inflammables ni dangereux – et David m’appelle le le lundi d’avant le match pour me dire que Longuépée voulait m’appeler ; alors qu’il avait mon téléphone et pouvait le faire. Donc Longuépée m’appelle et me demande si on ne peut pas faire autre chose pour le match, car c’est risqué, pour la Ligue… Je lui ai dit qu’il fallait y penser avant, que tout était commandé, qu’on avait eu son accord. Il me répond : ‘Ah mais oui Florian, mais quand vous allez me demander des choses ça ne va pas se passer comme ça’. Je lui demande pardon et pour qui il me prend. Il me menaçait, je ne comprenais pas. Il s’est vite calmé, et je lui ai expliqué qu’il n’y avait pas de danger, qu’il pouvait prendre un poil de risques et surtout assumer sa parole. Sinon, ça n’allait pas pouvoir le faire, car nous on sa tapait dans la main, on ne signait pas de contrat en bas d’une feuille. Du coup, le tifo a eu lieu : sans incident, sans blessé, sans amende – bien évidemment – ; mais ça a révélé qu’il était un homme peureux. Voilà, tout simplement.
Ensuite, après l’été et le mercato en dents de scie, alors qu’on voulait un attaquant et qu’on était fin août, que j’étais en vacances en famille, Monsieur Longuépée est encore passé par David Lafarge pour m’appeler et me dire – par sms en fait – qu‘il voulait me convier à élaboration du nouveau logo. Je lui ait dit : ‘Attendez Frédéric, on est fin août, vous ne croyez pas qu’il y a autre chose à faire ?!’. On n’avait pas beaucoup de points, on n’était pas bien, donc je lui ai dit de se concentrer sur le mercato, de faire une bonne équipe et qu’on reparlerait du logo en temps et en heure… Lui il me dit qu’il faut développer la marque – le genre de mots qu’on adore et qui me font bouillir ! -, je lui répète qu’on n’est pas Coca-Cola mais le FCGB et que le terme ‘marque’ – comme déjà dit 50 fois – on ne voulait pas l’entendre. Ils sont formidables ces sms, je suis en train de les retrouver… Je lui dis qu’on participera évidemment à toute évolution éventuelle des emblèmes du club, que rien ne se fera sans notre accord, et qu’on en parlera à notre réunion de début septembre, après le mercato, si la direction le souhaite. Longuépée me répond alors qu’il me renvoie à un message publié par le club suite à… une déclaration d’un de ses partenaires ; Bistro Régent, tenu par un amoureux du club, un local ayant développé son entreprise, qui met de l’argent et qui s’était posé des questions ; pour lui dire en substance de s’occuper de ses affaires. Donc moi, je veux bien être gentil, mais au bout d’un moment… Faut pas pousser le bouchon trop loin. Longuépée nous avait renvoyés, nous, Ulramarines, à ce communiqué, comme si nous étions des sponsors… Mais nous ne sommes pas des sponsors. Je lui avais répondu ça : ‘Nous ne sommes pas un sponsor, mais les gardiens du temple. Grande différence. Bonne soirée à vous.’.
Épisode suivant : la Garden Party. Il a mis trois heures à venir nous dire bonjour, déjà. Et les semaines d’avant il avait continué à déblatérer son discours sur le besoin de développer une activité parallèle et de dissocier cette activité du sportif, pour faire venir un autre public, en continuant à parler de ‘marque’. Alors on avait fait des banderoles : ‘Le FCGB n’est pas une marque mais un club historique’. Alors, quand il a mis trois heures à venir nous saluer à la Garden Party, je lui ai fait remarquer qu’on passait en dernier et je lui ai dit que les banderoles du weekend étaient pour lui. Et là, alors que cette soirée où on est invités tous les ans sert pour les rencontres, je lui ai donc réexpliqué longuement tout ce qu’on lui reprochait ; pendant une demi-heure, de A à Z, comme je me tue à le faire depuis un an. Je lui ai dit qu’il se trompait de club, que sa philosophie ne marchera pas à Bordeaux. Et le lendemain, qu’est-ce que je vois ? Une interview, je ne sais plus où (France Bleu, NDLR), où il continue d’expliquer qu’il veut faire venir un public nouveau, ne s’intéressant pas au football. Cette déclaration nous a fait bondir. Il ne comprend rien.
Donc à partir de là on était quasiment au point de non-retour, ça bouillonnait. Il nous prend pour des cons depuis un an, veut sortir notre responsable sécurité ; en qui on a toute confiance et avec qui on fait un super boulot depuis 20 ans ; il nous parle de ‘marque’ constamment, il nous donne un accord pour un tifo et ne tient pas parole et veut l’enlever, il a aussi fait pression toute la semaine pour que nos banderoles à propos de l’homophobie ne sortent pas… Il tremblait sur sa chaise, il voulait savoir ce qu’on voulait mettre, comme si on allait mettre des choses racistes ou je ne sais quoi. Non mais c’est quoi ce délire ?! Et ça a été ça sur toute l’année. On nous a renvoyés au rang des sponsors, on a étalé une philosophie à l’exact opposé de tout ce qu’on croit. Mais comment voulez-vous qu’on accepte ça ?! Qu’on ne devienne pas fous !? Et le bouquet final, ça a été la fameuse affaire de la billetterie… »