Laurent Perpigna Iban (Ultramarines) : « Notre club est déjà en sursis »
Dans un style différent de celui de Florian Brunet, Laurent Perpigna Iban, lui aussi porte-parole des Ultramarines Bordeaux 87, partage son humeur, via un long fil Twitter, concernant la très grave situation des Girondins.
« Allez, c’est décidé. Un thread sur le football et sur les Girondins de Bordeaux. Si tant est que l’on puisse toujours parler « de football » et des « Girondins ». Que personne ne se formalise, je vais tenter de prendre un maximum de recul afin de donner du relief à cette situation.
Quarante-huit heures. C’est approximativement la durée qui nous sépare de la décision de la DNCG. Vous savez, ce gendarme financier chargé de vérifier que les comptes des clubs de football français professionnels sont bien équilibrés. Est-il nécessaire de revenir sur le contexte ? Mathias Edwards et Pierre Rondeau l’ont brillamment fait dans leur article pour So Foot. Tout y est. Si vous ne l’avez pas lu, et bien lisez-le. Certains ont trouvé ce papier assez anxiogène, insinuant des exagérations. Cela témoigne d’une déconnexion – possiblement volontaire – de la réalité. Tous les voyants sont au rouge, et le passage difficile de l’ASSE devrait, à minima, nous interroger. « Ce n’est pas possible. Ils vont bien trouver quelque-chose ». Ce discours, je l’entends aussi autour de moi. C’est un peu comme le coronavirus, comme tous les drames de la vie : cela n’arrive pas qu’aux autres. Demandez aux Strasbourgeois. Ils avertissaient du danger dès le rachat. Il est important, je crois, de comprendre que quelle que soit la décision de la DNCG, cette journée aura des répercussions. Les options, quelles sont-elles ? Le club passe, King Street s’engage. C’est difficile à imaginer, vu qu’ils n’arrivent pas à recapitaliser. Rétrogradation avec sursis et donc un an pour tout changer. Rétrogradation en L2. Rétrogradation, dépôt de bilan, et descente aux enfers.
Les Girondins jouent un des matchs les plus importants de leur histoire. Un match contre eux-mêmes. Enfin plus précisément contre une excroissance d’eux-mêmes, qui mènera le club, si elle persiste, dans l’abîme. Tôt ou tard. L’ignorer, c’est déjà le mettre en danger. Je ne m’explique pas pourquoi l’annonce du report de la date initiale de la DNCG « pour un problème d’agenda » n’a pas fait trembler la terre. Comment peut-on se contenter de cela ? Le Président du club doit la vérité aux supporters, encore plus en ces moments de doute. Il doit la vérité aux salariés. Il doit la vérité à la ville, à la région. Mais rien. Absence de réaction. Silence(s).
Il est vrai que beaucoup ont réduit la crise à un conflit entre les Ultramarines et Frédéric Longuépée. Une binarisation qui, en plus d’être erronée, a de lourdes conséquences : quand on croit qu’un camp affronte un autre, on passe à côté de l’essentiel. Quand je lis qu’il s’agit d’une bagarre « de cour de récré », j’hallucine. Comment peut-on être à côté de la plaque à ce point-là ? Comment peut-on ignorer tous les mauvais présages qui agitent la vie du club depuis deux ans, pour n’en analyser que la superficie ? Alors oui, les Ultramarines ont été omniprésents ces derniers mois. Mais vous êtes-vous seulement demandés pourquoi ? Pas question de faire du prosélytisme. Mais les Ultras ont réussi l’exploit d’être à la fois la voix des sans voix, de ceux dont la parole porte mais qui ne souhaitaient pas la prendre, et de ceux qui ne pouvaient pas la prendre : les anciens joueurs/salariés, salariés, fans…
Quand les Ultramarines dévoilent les Leaks – faisant là le boulot d’un média d’investigation -, ce n’est pas seulement pour conforter leur position. C’est surtout pour informer. C’est dangereux pour eux, et c’est précieux pour tous. C’est précieux car on comprend plus clairement la stratégie de la direction : se fabriquer artificiellement des cautions qu’ils ne peuvent obtenir naturellement. D’ailleurs, ils ont usé de cette même méthode avec « le conseil des membres », avec les anciens joueurs, le Maire…
Quand j’entends certains journalistes disserter sur les méthodes des Ultramarines concernant les leaks, j’ai presque envie de leur répondre : ‘Vous avez raison, c’est pas leur boulot. C’est le vôtre’. Bref, voilà, on en est là. Le chrono défile. Et regarder ailleurs n’y changera rien… Notre club est déjà en sursis. Et même si, par bonheur, il passait l’épreuve du feu, il le resterait. C’est cocasse, mais certains rêvent encore à un spectaculaire redressement. On l’a vu avec l’histoire de Gasset. Moins que lors du rachat du club, où beaucoup affichaient fièrement sur leur profil un drapeau nord-américain, mais quand même.
Une réussite sportive du club, avec ces gens qui ratent tout, et qui sont à deux doigts de nous envoyer en National 3 ? C’est de la science-fiction. Mais soit, poursuivons ce raisonnement, allons au bout. Si on gagnait tout ? Pardonnez-moi, mais ce logo ne serait toujours pas le mien. Ce nom ne serait toujours pas le mien. Ces couleurs ne seraient toujours pas les miennes. Cette mentalité club ne serait toujours pas la mienne. Ce Président ne serait toujours pas le mien. Je m’arrache un truc en disant ça. Mais en l’état actuel des choses, ce club n’est déjà plus le mien.
Mieux vaut un club intègre, respectueux des siens, de son histoire, qu’une multinationale prête à vendre son nom contre de l’argent. C’est un peu comme dans la vie, en fait. Certains sont prêts à tout trahir pour gagner, d’autres préfèrent rester modestes et sains. Libre à chacun. Digressions à part. L’heure n’est pas à la philosophie. Il y a le feu au lac. Et il n’y a qu’un moyen d’éteindre l’incendie. Il faut purger. Assainir. Équilibrer. Reformer une famille, celle de ‘Nous Les Girondins’. Repartir sur d’autres bases, sincères et vraies. Condition sine qua none pour éviter une catastrophe qui sinon se produira, tôt ou tard. Amitiés à tous et toutes. »