Les souvenirs de C. Dugarry de l’exploit girondin de 96 contre le Milan AC
Autour de la chronique humoristique de Julien Cazarre, pour se moquer de l’échec de Christophe Dugarry au Milan AC, quand les Lombard l’ont recruté, l’ex attaquant des Girondins de Bordeaux s’est souvenu, sur RMC, de ce quart de finale retour de C3 96 où le FCGB dans lequel il jouait – et avait marqué un doublé – s’était payé le grand Milan (3-0, après un 0-2 à l’aller).
« Vous n’imaginez même pas ! Cette saison, on avait commencé tellement tôt ; début juin 95 je crois ; pour jouer l’Intertoto – contre des équipes face auxquelles un club français d’aujourd’hui ne se qualifie même pas -. Je m’en rappelle très bien ! On avait démarré la préparation hyper tôt pour ces matches champêtres contre Odense ou Norrköping, Skopje. En plus, à Bordeaux, quand tu joues à domicile, il y a 5000 personnes ; car les gens sont tous au Cap Ferret ou au Bassin d’Arcachon, à la plage… et toi tu joues. Donc tu te dis ‘Mais qu’est-ce qu’on est en train de faire dans cette galère, de jouer ces matches ? ’. Mais on gagne, on avance, et on commence à y prendre goût – pas de suite quand même, pas dès juillet ou août -. Il y a un groupe qui commence à se créer, mais on a un effectif assez restreint, donc c’est au détriment du reste, car à l’époque on a fini 14èmes en championnat.
(…) Au match aller du quart de finale, après un 1/8ème contre le Betis Séville où Zizou marque un des plus beaux buts de sa carrière, on perd 2-0 à San Siro. Mais à l’époque, contre les équipes italiennes, tu te dis toujours que ça peut passer, que tu as l’impression qu’elles ne sont pas si fortes que ça. Mais à l’arrivée, on a dû se créer une occasion et demi, et même si on était dans le match, eux en deux coups de patte de leurs grands joueurs – dont un coup-franc de Baggio – ils gagnent. Donc voilà : rideau, on se dit que le match retour est plié, que c’est déjà pas mal ce qu’on a réussi à faire et qu’on est sortis par le grand Milan, qui était allé en finale de Ligue des Champions trois ans de suite. Au retour, on y va en touristes, en claquettes. Je me souviens que la veille ou l’avant-veille on est sur le Bassin d’Arcachon, on s’entraîne sur la plage en voulant être à la hauteur de l’évènement, se montrer dans un stade plein – car il y a des affiches de ce match partout dans les boutiques et des drapeaux -… Mais bon, c’est surtout la fête car les gens sont très heureux de voir les immenses joueurs du Milan AC. Alors nous on y va… pour se mesurer, voilà. On sait qu’ils sont bien plus forts que nous, mais on est jeunes, ambitieux, on a envie de montrer ce qu’on est capables de faire, et donc on a beaucoup d’aplomb. Mais je vous promets que – comme quoi c’est bizarre le foot -, quand on va voir la pelouse pour choisir nos crampons et tout et qu’on voit un stade déjà plein, deux heures et demi avant le match, il se passe un truc. Tu sens, à ce moment-là, quand ça chante, que tout est possible, qu’on peut faire un grand match, être à la hauteur. On sent aussi que les gens croient en nous, car on se le demandait… Alors avoir le stade pour nous, déjà…
Pour ce match retour, contre Milan, on joue dans un espèce de 4-4-2, avec Didier Tholot en pointe et moi qui me replace un peu sur les côtés, comme Zizou et Witschge. Et quand on n’avait pas le ballon, on se déplaçait pour occuper l’espace et l’autre compensait. Mais à l’époque, ce n’était pas très établi. Enfin, c’est aussi ça qui a perturbé Milan, qui était une équipe justement très bien organisée, avec des joueurs de classe, dont la meilleure défense du monde, infranchissable ! Mais leur gardien n’était pas le titulaire. À l’époque, c’était quand même la meilleure équipe du monde, sans aucun doute. Mais c’est certain qu’ils sont arrivés suffisants à Bordeaux. Pour eux, ils étaient déjà qualifiés et le match était plié. Sincèrement, nous, on a envie, on est motivés, mais on ne peut pas dire qu’on a l’œil du Tigre non plus… Face à ces grands joueurs, on se fait tout petits, même si on a envie de performer. Je me rappelle encore des mots de Gernot Rohr, qui a envie qu’on s’amuse et qui a envie, surtout, qu’on montre qu’on est des hommes sur ce math, qu’on n’a pas envie d’avoir des Italiens qui viennent nous faire l’amour sur le terrain qu’on a envie de leur répondre, d’être face à eux.
Au match aller, on avait pris un paquet de coups, dans un match qui paraissait facile pour eux. Ils nous ont laminés sur un match où ils étaient largement favoris et ils nous ont marché dessus ; sincèrement… Donc on veut, déjà, répondre à ça : il est hors de question que dans le défi physique on se fasse marcher dessus. Et on se rend compte qu’avec un défi physique à la hauteur, en leur rentrant dedans, au bout d’un quart d’heure, on arrive à marquer… Eux, ils ne répondent pas, on les sent amorphes, pas très motivés, pas vraiment dans leur match. Tout au long du match, ils se disent : ‘Bon on va bien finir par en marquer un, donc on va les laisser s’enflammer un peu’. Avec un but, ils étaient largement qualifiés, et il fallait qu’on en marque quatre… Le match aurait été réglé, c’était plié. Mais ils sont pris de vitesse, malgré les 8 ou 9 grands patrons de l’équipe. Et quand tu sombres, tu sombres avec le groupe, l’effectif, tu prends la vague comme tout le monde ! Ils ont eu la tête dans le seau et n’ont pas réussi à la sortir, on le voyait dans leurs yeux ; même chez ces immenses joueurs.
(…) Bordeaux – Milan, ça me donne toujours des frissons. C’est un jour, avec mon but en Coupe du Monde contre l’Afrique du Sud, qui est dans les deux moments charnières de ma carrière, car ils arrivent à des moments importants. Et ce sont certainement là les deux plus beaux matches de ma vie, oui. Donc merci de m’avoir replongé là-dedans, ça me fait toujours plaisir et du bien. »
Retranscriptions du podcast du ‘Team Duga’ du 06/04 faites par nos soins