Luc Arrondel : « Avec les fonds d’investissement, c’est de la finance »
Invité d’RMC, il y a quelques semaines, l’économiste Luc Arrondel, co-auteur du livre ‘L’Argent Du Football’, a présenté la synthèse de son travail, décrivant un tableau dans lequel on peut reconnaître la situation des Girondins de Bordeaux, cités en illustration.
« Pour faire un bon état des lieux des questions qu’on pouvait se poser autour de l’argent dans le football, on a pris les différents acteurs : propriétaires, joueurs, supporters ; et les revenus… Quel est l’intérêt de détenir un club de foot ? Ça dépend des propriétaires, car il y a là différents profils. C’est vrai que le grand changement dans le foot, l’arrivée de l’argent, c’est au début des années 90. Depuis, on est dans la période dite post-moderne du foot, avec des droits télés qui explosent, l’arrivée de milliardaires… Et je pense que, aujourd’hui, on est à l’orée d’une nouvelle époque, peut-être, justement avec toutes ces arrivées. Les fonds d’investissement ? C’est un des facteurs je pense. Des études ont déjà été faites sur ça et donc je pense que je ne vais rien vous apprendre, mais un club de foot n’est pas une entreprise comme les autres – contrairement à ce qu’on peut dire – ; ça n’a rien à voir.
Mais les fonds le pensent et raisonnent en termes de rentabilité. Si on regarde bien, pourtant, et jusqu’à une période récente, les clubs de foot ne font pas de bénéfices. Leurs revenus augmentent beaucoup, mais niveau rentabilité… rien du tout. Cependant, comme ça explose vraiment beaucoup, c’est peut-être en train de changer, surtout de l’autre côté de la Manche, où les clubs commencent à se faire une vraie marge bénéficiaire. Mais ce n’est rien du tout comparé à une entreprise classique. Après, et il faut le souligner, si des fonds d’investissement arrivent, on rentre dans une logique économique beaucoup plus traditionnelle, avec une volonté de maximiser les profits. Maintenant, est-ce qu’ils vont y arriver ? Je n’en sais rien. Et que font-ils s’ils n’y arrivent pas ? Ils s’en vont, tout simplement.
L’exemple de Bordeaux ? S’ils sont dans une logique de profits et qu’ils n’en font pas assez au bout de quelques années, bien sûr que les repreneurs américains vont partir. Ils ont mis de l’argent, ça oui, et il y a eu accord entre l’offre et la demande pour un prix de vente du club, mais si au bout d’un certain temps ils ne gagnent pas d’argent… Ils partiront. Simplement, il faut se dire qu’ils ne sont pas venus par hasard. Ils estiment qu’avec la hausse des droits TV en Ligue 1 d’ici 2020 et la hausse des revenus de sponsoring, plus la réforme de la Ligue des Champions en cours – même si là, Bordeaux n’est pas concerné – il y a un contexte favorable. (…) Il y a eu, un peu, une dérive autour de la financiarisation du foot. Après, avec les fonds d’investissement, on sait que… c’est vraiment de la finance. Ils ont levé des fonds pour racheter le club et des fonds vautours sont venus. Je ne sais pas si vous savez ce qu’est un fonds vautour, mais pour rappel ils rachètent des dettes à très bas prix pour essayer de le renégocier au prix nominal. C’est un fonctionnement un peu bizarre et très éloigné du sport. On est vraiment dans la finance. Avec les fonds d’investissements à la tête des clubs, on change de logique. Le but n’est plus la victoire, mais d’avoir de la rentabilité. (…) Aujourd’hui, avec tous ces fonds d’investissement à la tête des clubs, les supporters sont vus comme des clients. Mais de la même manière que le football est une entreprise particulière, sa ‘clientèle’ l’est aussi. Après, on sait qu’il y a quand même de tout dans un stade. »