P. Favier : « Avec un dépôt de bilan, vous êtes sûrs d’avoir un repreneur »

Cette semaine, avec nos amis et partenaires de l’émission ‘Girondins Analyse‘, le journaliste Patrick Favier (Sud Ouest, spécialisé économie du sport et du football) a répondu aux questions concernant l’actu économique très sombre des Girondins de Bordeaux. Après ses éclairages sur le déficit du FCGB (« au moins 60 M€ »), sur son endettement auprès de Fortress et sur le passage prochain devant la DNCG, notre invité commente la possibilité d’une reprise des Marine et Blanc à King Street… laquelle peut passer, d’abord, par un dépôt de bilan.

Le podcast de cette interview est à écouter ICI.

« S’il y avait un acheteur à 120 M€, il est clair que… Je suis prêt à parier que King Street vendrait tout de suite. Le problème, il est que, d’après tous les spécialistes qu’on peut interroger, et d’après tout simplement les résultats d’exploitations du club girondin, ses déficits donc, 120 M€ n’est absolument pas la valeur du club. Aujourd’hui, pour les gens que j’ai interrogés, les Girondins ne valent pas plus d’1€ symbolique et la question est plutôt quel niveau de dettes est prêt à reprendre un repreneur. C’est à dire que le repreneur va aller voir King Street et dire que, vu l’état où est le club, il en donne 0€ mais que si l’endettement restant à rembourser auprès de Fortress est de 50 M€ – je dis ce chiffre au hasard – il en rembourse la moitié et garde le reste de l’argent pour bâtir un effectif. Le scénario, pour moi, c’est ça. Mais aujourd’hui le contexte n’est pas favorable à une revente. Il y a, quand même, beaucoup d’entreprises qui souffrent de la crise économique liée au coronavirus, donc les perspectives elles ne sont pas très favorables pour Bordeaux. Aussi, et ce sera peut-être important pour le passage devant la DNCG, on ne sait pas si les matches pourront accueillir du public en septembre. Du coup, le contexte pour une vente du club n’est favorable sur aucun plan, à la fois en raison de l’état du club et de celui de l’économie. Donc, sincèrement, je ne pense pas que l’hypothèse se dessine, à moins que King Street décide de tirer un trait, car les déficits seront importants chaque année et qu’ils perdent de l’argent… Donc là, ils peuvent décider d’arrêter et de vendre, mais ça ne se fera pas à 120 M€.

(…) La situation du dépôt de bilan ? Comme pour toute entreprise, si vous êtes dans l’impossibilité de faire face aux dettes à venir, que vous devez payer avec l’argent que vous avez dans les caisses, alors vous vous mettez en cessation de paiements et cela ouvre une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Et là, vous pouvez avoir un repreneur qui vient acquérir votre club. Cela, c’est grosso modo quand on ne peut plus payer ce qu’on doit payer. Donc, si King Street dit : ‘La société que j’ai créée pour racheter les Girondins a tant d’argent mais je ne peux plus payer’, ils peuvent effectivement déposer le bilan. La première étape, si cela arrive et que King Street ne peut pas payer Fortress en remboursant l’emprunt, c’est que Fortress reprendra le club. Là, le processus ne serait donc pas directement un dépôt de bilan mais un transfert de propriété à Fortress, qui donc pourrait à son tour soit continuer l’exploitation de l’entreprise s’ils jugent qu’il y a une chance que ça marche soit déposer le bilan. Dans ce cas-là, le dépôt de bilan, on se retrouve avec un club à reprendre pour pas grand-chose, et qui offre le grand avantage de pouvoir renégocier les salaires, ce qui sera essentiel aux Girondins vu leur situation, avec une masse salariale qui a décollé et qui est trop importante pour les recettes du club.

Si un dépôt de bilan impliquerait forcément une relégation ? Oui, c’est là la différence entre entreprise classique et entreprise de sport, au moins dans le football. La punition du club pour la cessation de paiements et le fait de ne pas avoir assuré sur le plan économique, c’est une rétrogradation. Bordeaux connait ça, car le club a déjà été dans cette position-là au début des années 90 et que les repreneurs, dont Jean-Didier Lange – qui est toujours au conseil d’administration, d’ailleurs -, s’étaient battus jusqu’au bout devant les tribunaux pour rester en D1. En tout cas, le côté négatif de tout ça, ce serait donc de repartir en Ligue 2. Ce n’est bien entendu pas le scénario idéal, mais les Girondins ont connu ça, et Marseille a connu ça aussi – désolé pour la comparaison (sourire) -, avec en plus, pour eux, une interdiction de remonter, en 94. Cependant, l’avantage de ce cas-là, il est que vous avez toutes les chances voire que vous êtes sûrs d’avoir un repreneur, car la situation est plus favorable pour redémarrer et pour renégocier les choses au niveau argent, comme les contrats des joueurs. »

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