P. Favier : « Tout dépendra de combien KS est prêt à mettre de sa poche »

Déficit, endettement, DNCG… Des sujets d’actualité, surtout pour le FC Girondins de Bordeaux du présent et sa crise profonde, que le journaliste de Sud Ouest Patrick Favier, spécialisé économie du football, a abordé avec nos partenaires et amis de l’émission ‘Girondins Analyse‘, hier.

Le podcast de cette interview est à écouter ICI,
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Répétant que le déficit des Marine et Blanc au 30 juin 2020 sera « au minimum de 60 M€ », Patrick Favier insiste sur le fait que, économiquement comme sportivement, le club n’a pas les joueurs à vendre pour combler un tel trou et devra compter sur l’actionnaire King Street pour passer la Direction Nationale du Contrôle de Gestion sans trop de soucis. il développe, ensuite, sur les options qu’a KS :

« Pour les supporters, c’est très intéressant, car on engage aussi la valeur sportive de l’équipe en vue de la saison prochaine. Pour ma part, je ne veux pas trop rentrer dans les détails du sportif, car ce n’est pas mon rayon – même si évidemment je m’y intéresse beaucoup -, mais une fois qu’on a vendu Koundé et Tchouaméni, la saison dernière, il est sûr que dans l’effectif l’actif joueurs est beaucoup moins important. En plus, avec l’arrêt de la compétition du fait du coronavirus, les joueurs comme Kalu ou encore Kamano – potentiellement parmi les valeurs marchandes élevées – n’ont pas pu se montrer et prendre de la valeur, et la crise économique du Covid-19 aura également des impacts sur tout le business du sport et son économie. J’ai lu, récemment, l’ancien président des Girondins, Stéphane Martin, dire à juste titre qu’avec le tourisme le sport serait un des secteurs les plus impactés. Alors, forcément, quand il y a moins d’argent et donc moins de clubs acheteurs sur le marché des transferts, les prix de vente seront moins élevés.

Le cas intéressant, c’est celui du gardien Bernardoni, avec des rumeurs autour de lui. Il est évalué à 5 M€ par Nîmes, mais Angers serait prêt à mettre 8 M€ sur la table. On verra à combien il est vendu, car en période de mercato on sait qu’il y a beaucoup de rumeurs sur les chiffres. Mais, aujourd’hui, quel club pourrait mettre une grosse somme sur un joueur comme Paul Bernardoni ? Il est très bon, mais le contexte économique est ce qu’il est… Pareil pour François Kamano. Quel club mettrait 15 M€ sur lui, alors qu’il a très peu joué ? Il y a une grande incertitude. Donc, ça veut dire que… tout dépendra en fait de combien King Street est prêt à mettre de sa poche pour éviter de trop vendre. Mais s’ils décident qu’il faut vendre pour 40 ou 50 M€ de joueurs, il faudra vendre beaucoup de joueurs. Je ne suis pas un spécialiste du mercato, de la valeur des joueurs, mais la perspective générale que l’on voit bien, quand même, c’est que ça va être difficile d’avoir une équipe sportivement forte l’année prochaine. On peut en tout cas s’interroger sur la valeur sportive qu’elle aura.

Combien King Street peut mettre de sa poche dans les Girondins sans mettre en danger son investissement ? Je ne suis pas compétent sur ça, mais je vais citer David Armstrong, le responsable d’une société de gestion que j’avais interviewé il y a peu, et qui expliquait qu’en général un fonds comme King Street, quand il achète une société, il crée en quelque sorte son porte-feuilles. En fait, leurs 20 milliards d’actifs sont divisés en plusieurs petits porte-feuilles avec lesquels ils achètent une dizaine de sociétés. Donc, ils prévoient une enveloppe, grosso modo, pour rentabiliser leur investissement. Maintenant, combien King Street est prêt à mettre pour redresser les comptes et valoriser les Girondins afin de les revendre et, éventuellement, gagner de l’argent ou de ne pas en perdre ? Personne ne le sait, pour le moment. Jusqu’à présent, ils ont mis de l’argent, et d’après le président Frédéric Longuépée ils ont encore l’intention de recapitaliser. Mais personne ne sait s’ils vont assurer leurs engagements ni combien de temps. Et s’ils estiment que ça leur coûte trop cher et que le club ne leur rapportera jamais rien, ils peuvent décider de le céder.

Un exemple intéressant sur lequel s’appuyer, c’est celui du rachat à Canal + du Paris Saint-Germain par Colony Capital. Avant de revendre le PSG au fonds du Qatar, le fonds américain Colony Capital avait gardé le club pendant des années, avec un PSG qui perdait de l’argent et, sportivement, ne tenait pas beaucoup et n’allait pas en Europe… Mais Colony Capital a assuré, pendant 6 ou 8 ans, je ne sais plus, en gardant le club jusqu’à trouver un repreneur. Donc King Street peut aussi très bien faire cela. Mais sur ce sujet, j’avoue que moi, là, je ne peux que m’en remettre à ce que David Armstrong m’a dit quant aux différentes options. La seule chose qui semble sûre, depuis le début, et on l’a vu rapidement car King Street a freiné des investissements et n’a pas voulu s’engager, notamment quand on annonçait Thierry Henry comme possible entraîneur (à l’été 2018 ; NDLR), c’est que ce fonds va clairement gérer le club au cordeau. Il n’y a pas, derrière, de milliardaire prêt, individuellement, à faire des folies pour monter un club… Ce n’est pas cet esprit-là. Mais on verra, là, ce qu’ils feront en attaquant leur premier mercato estival en étant vraiment seuls aux commandes. »

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