Bordeaux : une réussite longue distance qui masque des soucis dans le jeu
Portés, surtout, par Hwang Ui-jo (à Dijon, à Toulouse et contre Nantes), mais aussi par Nicolas de Préville ou encore par Yacine Adli et leurs coups-francs directs mis à Angers et Amiens, les Girondins de Bordeaux sont, en Europe – dans les cinq grands championnats -, l’équipe à avoir le plus marqué de loin cette saison : 8 buts hors de la surface de réparation en 2019-20. Après seulement 12 journées, 8 buts sur les 17 du FCGB (6ème meilleure attaque de Ligue 1), soit presque 1 but sur 2, ont donc été marqués de loin.
Pour le spectacle et le plaisir des supporters, on ne s’en plaindra pas, ni pour l’image valorisée que cela offre aux buteurs auteurs de ces belles réalisations ; mais on imagine quand même, sauf si la réussite dure, que Hwang, De Préville, Adli et consorts ne marqueront pas des buts de loin chaque semaine tout au long de la saison. Alors, tant mieux si la frappe « lourde et flottante » du Sud-Coréen est déjà une arme nouvelle et précieuse pour les Marine et Blanc, mais cela ne doit pas nous faire oublier que, dans le jeu, Bordeaux a encore du mal à se créer des occasions, même si le fond de jeu s’améliore et la qualité de pressing également… ce qui donne là, notamment, des récupérations hautes et des situations de contres permettant des frappes de loin pour les attaquants, face à des défenses désorientées. On attend cependant, toujours, que les décalages se fassent plus souvent par la passe, le mouvement, les changements de rythme, les dribbles et la construction ; d’autant plus que c’est tout ça l’idéal assumé par le revendiqué romantique Paulo Sousa, un entraîneur travaillant justement pour éduquer et élever le QI foot de ses joueurs afin qu’ils se rapprochent de ce style de (beau) jeu.
Pourtant, et en utilisant encore les indications données par les ‘Expected Goals’ (même si ce modèle statistique des xG reste perfectible), on voit que les productions offensives des Aquitains restent encore insuffisantes et sont parfois sauvées par, justement, des buts de loin. D’après les chiffres, actualisés après la J12, que nous rapporte Florent Toniutti (podcast ‘Vu du Banc‘), sur Twitter, notre FCGB est même dans les cancres de Ligue 1 pour ce qui est des occasions créées et donc des buts marqués par le jeu :
– 17 buts marqués pour 10,62 xG produits (meilleure différence du championnat).
– 10.62 xG produits (c’est à dire les buts que Bordeaux ‘aurait dû’ marquer vu le nombre et la qualité de ses tirs), c’est le… 19ème total des clubs de Ligue 1 !
– 8 buts hors surface, 7 sur coups de pieds arrêtés (personne ne fait mieux en Europe).
– 39 passes dans la surface adverse (17ème de L1) et 11.57 touches de balle en moyenne par match dans cette même surface (17ème de L1).
On comprend donc mieux pourquoi Sousa, dont le staff très étoffé lui donne sans doute ce genre de stat’ avancées – individuelles et collectives – voire bien d’autres encore, ne s’enflamme pas.
Voici, notamment, quelques uns des propos du Portugais, en conf’ de presse d’après Bordeaux – Nantes (2-0, J12).
« Quand notre adversaire serre le jeu, ferme l’espace intérieur, on doit avoir aussi l’espace extérieur pour bien commencer et les joueurs ont compris ça et doivent encore mieux le comprendre pour prendre plus de bonnes décisions. Mais notre construction s’améliore. J’ai vu beaucoup de maturité contre Nantes et tout ce qu’on a travaillé au niveau stratégique ; positionnements des joueurs, vitesse du jeu, circulation afin d’éviter le contact physique avec un adversaire plus fort que nous sur ça, mobilité sans ballon ; a été fait. C’était important pour donner à nos joueurs des angles de jeu corrects et surtout à celui ayant le ballon afin de prendre de meilleures décisions et plus vie. Cela s’est passé beaucoup de fois je trouve.
(…) Il est très important que tous les joueurs aient dans la tête de faire des buts. L’équipe a besoin de ça, de la part de tout le monde. Pour gagner des matches et, surtout, pour arriver à des places très hautes au classement, il faut trois-quatre joueurs marquant beaucoup de buts ; dans toutes les équipes. C’est quelque chose qu’on essaye de travailler, beaucoup, mais ce n’est pas facile… Cette caractéristique est très dure à améliorer : ou tu l’as, ou tu ne l’as pas. Dans notre futur, et j’espère proche, on doit avoir plus de joueurs buteurs pour faire la différence.«
Le chemin est donc encore long, très long. Et il passe sans doute, en partie, au-delà du gros travail collectif de longue haleine d’un technicien pour faire progresser des joueurs et un groupe, par le recrutement en janvier d’au moins un élément offensif de plus grande qualité. Paulo Sousa l’avait déjà voulu l’été dernier et l’ex coach du FC Bâle et de la Fiorentina n’a probablement pas changé d’avis depuis sur l’intérêt d’avoir quelques meilleures individualités pour hisser le projet sportif à un niveau supérieur. Mais ça, c’est aussi une question d’entente avec la direction et le ‘board’ sur une politique générale, une ambition à assumer et des promesses à tenir… Sousa n’est, dans tout ça, ‘que’ l’entraîneur.