King Street, Fortress, le plan de GACP : Joe DaGrosa clarifie les choses
Beaucoup critiqué durant ces derniers mois et ces dernières semaines, avec en point culminant les récentes révélations de Sud Ouest sur l’ex actionnaire M6 qui a même mis la pression pour que les engagements financiers du repreneur soient tenus, le fonds d’investissement General American Capital Partners a répondu, via son cofondateur et dirigeant Joseph ‘Joe’ DaGrosa, quant aux investissements du consortium américain en faveur du FCGB ; jugés (très) décevants par certains.
Voici donc les mots du « businessman dans l’âme, grâce à (son) père », qui « adore les challenges, les risques, dont on apprend beaucoup – et pas nécessairement que des échecs -« , sur les différents sujets économiques abordés dans l’entretien :
Les motivations de l’acquisition du FCGB et les relations que Joe DaGrosa entretient avec Hugo Varela et Alain Yacine ?
« L’opportunité s’est présentée à moi par un ami, Hugo Varela, dont j’ai le plaisir et l’honneur de dire qu’il est devenu maintenant un partenaire, ici, à Bordeaux. Il a réussi à bien me montrer comment le sport pouvait vraiment être un très bon investissement, surtout le football en Europe – pas aux USA – et en France, dont la croissance est grande et va encore continuer et pour lequel la demande de contenus augmente. Le football, c’était ‘the place to be’ pour créer et développer de la valeur. Alors Hugo est venu dans ce projet et il est vraiment l’homme qui m’a ouvert les yeux, pour qu’on regarde d’abord le football européen et Bordeaux, avant la MLS et le soccer. Il y avait aussi une opportunité en Liga espagnole (Getafe), mais nous avons privilégié Bordeaux et décidé d’entrer dans le monde du football, pour générer de la valeur. Ainsi, nous avons négocié avec M6 et sommes arrivés à un accord. (…) Hugo a fait un travail phénoménal pour que le club se renforce aux trois positions-clés : Eduardo Macia comme directeur du football, Paulo Sousa comme entraîneur et aussi Souleymane Cissé pour le centre de formation. Grâce à ce dernier, qui a bien travaillé à Monaco, on doit pouvoir faire venir les meilleurs jeunes en profitant de notre position stratégique, déjà dans la région. Toute la reconstruction passait pas le renforcement du club à ces trois postes.
Nous avons aussi investi dans SoccerEx, une grande société de promotion du football dans le monde. Notre entrée dans le monde du sport et du football est donc générale et sur plusieurs aspects. Ce qui me surprend le plus, c’est la compréhension qu’il faut avoir de ce monde et du football européen pour y réussir. Je n’avais pas réalisé, au départ, à quel point investir dans le football européen allait nous exposer. C’est absolument incroyable. Maintenant, nous devons être honnêtes et loyaux envers la fanbase et leur partager nos idées. On veut promouvoir ce club, qui est déjà connu à travers le nom de la ville de Bordeaux et le vin, en faire une marque présente aux États-Unis et en Chine. Bordeaux nous offre vraiment l’opportunité de construire ça.
(…) Alain Yacine ? Il a fait du très bon travail et il a été de très bon conseil pour nous aider dans cette acquisition, lors des négociations et du passage devant les ‘chiens de garde’ de la DNCG, au niveau financier. Il a été important dans ce long processus en créant des liens et en les maintenant, entre nous et M6 et entre nous et la ville, pour que le deal se fasse bien, dans le respect de tous, sans mésentente. Son travail a vraiment été fantastique. Aujourd’hui, avec Hugo – qui parle le Français -, nous sommes là. Il est présent à Bordeaux 80% du temps et j’y passe, moi, quelques semaines par mois. Je n’ai jamais été un grand étudiant pour les langues, mais là c’est un challenge pour moi. Je continue d’essayer d’apprendre la langue française (rire). »
Les liens GACP – KING STREET et le plan sportif ?
« Nous avons des partenaires très solides, avec King Street en ce qui concerne les actions et Fortress du côté de la dette. Ensemble, nous avons compris que pour parvenir à créer une solide entreprise, nous devions tous accepter d’engendrer des pertes sur les deux ou trois premières années. Nous avons conscience de cela et nous accepterons ces pertes. Le plan est de créer une valeur de franchise, car c’est la valeur de la marque qui est négociée et payée quand vous achetez un club et pas les montants des transferts réalisés. Nous pensons pouvoir créer ça en ayant une bonne équipe associée à un centre de formation qui permet de développer des talents. Je ne veux pas faire de parallèle avec le PSG car ces derniers ont beaucoup d’argent et sont donc moins gênés pour le dépenser. C’est donc un autre modèle commercial. Ils ont des objectifs différents, que ce soit au niveau de la direction ou de celui des actionnaires. Mais nous, sans notre cas, nous devons prendre le temps de nous développer, notamment avec les jeunes, et je pense que dans 3-4 ans nous aurons une très forte équipe.
King Street détient environ 86% du club et nous en détenons 14%. King Street a apporté des investisseurs de son côté, mais les gens doivent comprendre que je suis le ‘président’ de Bordeaux. Nous avons essentiellement divisé les votes à parts égales, mais j’ai un droit de veto sur les décisions majeures et la bonne nouvelle est que nous travaillons d’une manière très constructive avec King Street qui sont d’excellents partenaires. Est-ce que l’on est d’accord sur tout ? Oh ça, non. Travaillons-nous ensemble de manière constructive ? Oui. (…) Cependant, ici, moi qui venais de la finance, des chiffres, j’ai été étonné de voir comment l’émotion était importante, surtout au moment des transferts et des dernières 48 heures du mercato. Peu de business ont une part aussi grande d’émotions influant dans la victoire et le succès que le sport. On doit être sensibles et attentifs à ça, surtout quand on traite pour des jeunes hommes de 18-19 ans. »
Les liens GACP – FORTRESS ?
« Fortress, le prêteur, voit la chose complètement différemment par rapport à King Street. King Street nous amène des capitaux et partage avec nous une vision à plus long terme. Du coup, on peut donc envisager que Fortress sortira de l’accord à un moment, quand King Street continuera, après des négociations, quand on aura remboursé Fortress. Mais je n’en suis pas sûr aujourd’hui. Ce que je sais, en tout cas, c’est qu’un créancier a une approche et des motivations fondamentalement différentes en ce qui concerne son investissement par rapport à un partenaire amenant du capital, comme King Street. C’est important de le dire.
Il faut vraiment penser de manière différente entre Fortress et King Street. Avec King Street, on s’est engagé auprès de la ville pour 4 ans et nous allons même probablement rester entre 5 et 10 ans, ce qui est je crois la bonne durée à la tête d’un club. Nous devons être, quoi qu’il arrive, les garants du club, en prendre soin, le valoriser par rapport à quand nous l’avons acquis. Mais ce club existe depuis 1881 et il existera encore après nous, c’est une certitude. Laisser le club en meilleur été que ce qu’il était quand on l’a acheté, c’est vraiment notre objectif, et à tous les niveaux. Je serai vraiment très déçu si on gagne beaucoup d’argent mais qu’on ne contente pas les fans, sans leur laisser une équipe compétitive. »
Les rapports GACP – ville de Bordeaux, par rapport au stade ?
« Les difficultés entre associés sont logiques vu les enjeux, il y en a toujours, mais on doit composer avec ça, car nous considérons la ville de Bordeaux comme notre partenaire, dont nous avons besoin de l’aide pour la gestion du stade, même si parfois il y a des incompréhensions. J’ai eu l’opportunité de rencontrer et de passer du temps avec Alain Juppé et Nicolas Florian, l’ancien et l’actuel maire de Bordeaux. Alain Juppé est un personnage extrêmement important, donc je n’ai jamais eu le sentiment de rencontrer mon meilleur ami, mais je voyais là quelqu’un que je respectais et qui faisait tout dans le plus grand intérêt de sa ville ; mais je me sens plus proche de Nicolas Florian, parce que je le perçois comme un ami du club qui ne souhaite que le meilleur pour le club et la ville. C’est quelqu’un avec qui on peut travailler, avoir des discussions très franches, qui veut m’aider à résoudre un problème ; donc je l’apprécie vraiment. Je n’ai pas l’impression de parler au parlement français quand je suis avec lui (rire) ! Même si je respecte beaucoup Alain Juppé. »
Les rapports du club avec ses sponsors ?
« Nous sommes fiers de nos sponsors actuels, mais dans le futur nous irons à la recherche de sponsors d’envergure internationale, plus connus dans le monde. Notre travail, en tant que partenaire, est de faire fructifier ces marques, et j’en fais un de mes devoirs, car les sponsors, pour développer une marque, donne beaucoup de valeur. Et comme notre investissement vise à construire une marque et à la moderniser, les sponsors sont importants dans le cadre de cet objectif plus large. »
La gestion du mercato, avec surtout des transferts libres réalisés
« Notre mercato, c’était vraiment une combinaison de deux choses. Déjà, le profil des joueurs que nous recherchions a été mis en place sur une base de joueurs libres. Au bout du compte, si vous regardez ce qui est arrivé au niveau des salaires – même si tout le monde a tendance à vous demander combien vous dépensez en transferts -, notre masse salariale a considérablement augmenté et je crois que c’est un bon compromis. Un joueur libre, vous pouvez lui donner un très gros salaire, vu que vous ne payez pas 10 ou 20M€ de transfert. Donc nous avons investi, mais notre investissement il a pris simplement la forme de salaires beaucoup plus élevés. Mais cela rejoint également un point, le deuxième : nous avons ici de très jeunes talents. Et finalement, nous pensons qu’ils vont jouer un rôle très important sur le terrain, bien qu’ils doivent encore se développer… grâce à Paulo Sousa. En fait, nous ne voulions pas nous retrouver dans une situation où nous dépensions des tonnes d’argent dans un mercato alors que le poste pouvait être pris par un joueur plus jeune plus tard. Nous devions donc adopter une vision plus haute, tout en partant sur ce dont Paulo avait besoin pour réussir. Cela ne signifiait pas forcément que nous allions réussir à tout concilier, mais il faut surtout rester attentifs à notre vision à moyen-long terme. Notre stratégie est particulière, précise, donc il faut vraiment que les fans la comprennent. On veut reconstruire le club et je pense qu’avec mon partenaire Hugo (Varela) on s’y prend de la bonne manière, et qu’il applique bien notre plan. »
Voilà donc de nombreuses explications qui permettent d’y voir encore un peu plus net sur la stratégie et la vision globale de DaGrosa concernant l’investissement de GACP et de ses fonds associés ayant racheté et tentant désormais de développer les Girondins de Bordeaux.
Pour le meilleur ou pour le pire…