La face cachée de Sylvain Matrisciano

« Ce n’est pas un entraîneur qu’il faudrait, mais un psy ! » Combien de fois cette saison, ce genre de phrase a-t-elle pu être dite par les supporters, journalistes, commentateurs, consultants, observateurs et même par Francis Gillot et Jean-Louis Triaud  – nous n’avons pas pris la peine de vérifier précisément en épluchant leurs différentes déclarations sur la saison, mais c’est probable – ou encore par les joueurs eux-mêmes ? Plus d’une fois sans doute. En même temps, que dire d’autre quand l’équipe est capable de « perdre » 21 points après avoir ouvert le score, ne gagnant qu’à 11 reprises (pour 9 nuls et 1 défaite) sur les 21 fois où elle a marqué en premier ? 

Fustigés, à juste titre, pour leur fragilité mentale et leur état d’esprit défaillant (au moins autant – si ce n’est plus – que pour leurs soucis dans le jeu et leur irrégularité dans les productions footballistiques), les Girondins n’ont jamais vraiment réussi à trouver le remède pour dépasser cette « peur de (mal) faire » et afficher le caractère qui a permis à des équipes comme Lille, Saint-Étienne et Lyon (notamment) de tenir ou d’aller chercher des résultats favorables… au lieu d’en perdre le bénéfice comme l’ont si souvent fait les Bordelais. Un constat que la direction aquitaine n’a pu que déplorer à longueur d’année et sur lequel elle a donc probablement insisté ces dernières semaines au moment de choisir, avec le nouvel entraîneur que sera Willy Sagnol, une personne qui sera à même d’améliorer la situation.

« Un outil aussi important que la préparation athlétique »

Mais plus que l’ancien latéral droit du Bayern Munich et des Bleus, dont la jeunesse, le vécu de grand joueur, la rigueur et l’enthousiasme pourraient bien apporter un nouveau souffle et un climat plus propice à un bon esprit d’équipe, c’est dans la personne de son adjoint, Sylvain Matrisciano, que réside le savoir et la méthode pour soigner les têtes girondines, qui en ont bien besoin.

En effet, cet ancien gardien de but professionnel, qui cumulait, pour la Fédération Française de Football et la Direction Technique Nationale, les rôles de formateur des éducateurs et de détecteur dans la région Franche-Comté, tout en étant entraîneur adjoint du sélectionneur des Espoirs (autrement dit de Willy Sagnol ces derniers mois), se définit lui-même comme « spécialiste de la préparation mentale, un domaine dont on parle de plus en plus ». Voici notamment ce qu’il déclarait concernant cette facette de son activité :

« Avec les joueurs des sélections de jeunes de l’équipe de France, je travaille sur la définition des objectifs, la concentration, la motivation, l’état d’esprit, la solidarité, sur un certain nombre de valeurs sur lesquelles on insiste avec les garçons pendant les rassemblements, mais aussi dans leurs clubs par l’intermédiaire de textos ou d’autres moyens actuels de communication. »

Dans la vidéo ci-dessus, datée de février dernier, Matrisciano détaille également quelques principes de sa méthode, qu’il prodiguait tant aux joueurs qu’aux éducateurs (ici dans le cadre d’une journée thématique, organisée par la Ligue Atlantique) et qu’il devrait sans doute tenter d’appliquer désormais au quotidien au sein du FCGB :

« Nous travaillons vraiment sur tous les aspects mentaux, pour redéfinir vraiment ce qu’est la préparation mentale et la remettre un peu au milieu du paysage comme un outil aussi important que la préparation athlétique, mais qui n’est pas non plus déterminant. Cette préparation est un phénomène de mode en ce moment, mais elle a toujours existé. Il faut donc la structurer et la hiérarchiser pour mieux accompagner les entraîneurs et les joueurs. »
 

Très répandue à l’étranger, notamment dans le sport, mais aussi, en France, dans certaines autres fédérations, la préparation mentale est très peu utilisée par les clubs de foot de l’Hexagone, dont beaucoup doutent de sa pertinence et de son efficacité, impossible à évaluer concrètement il est vrai… Avec Sylvain Matrisciano, Bordeaux sera donc plus ou moins précurseur dans ce domaine, parfois irrationnel, de la gestion des émotions.

Pour élargir la réflexion, nous vous proposons aussi de visionner ce très intéressant reportage de l’émission de Canal + « Enquêtes de Foot », diffusé il y a quelques mois, et consacré à la préparation mentale dans le football. Celui qui va être le nouveau « mentaliste » du FCGB y effectue une courte intervention (à partir de 18.00) pour expliquer tous les dangers liés au fait qu’il n’existe aucune réglementation par rapport à la préparation mentale et que n’importe qui peut donc se revendiquer comme un expert de la chose.

Toujours dans ce reportage d’une vingtaine de minutes, nous voyons l’ancien milieu bordelais Ludovic Obraniak en pleine séance privée avec Jean-Luc Stachura son préparateur mental personnel depuis 4 ans. Les divers témoignages de Christian Gourcuff, futur ex technicien du FC Lorient, mais aussi de Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, ou encore de l’arbitre Anthony Gautier, des anciens joueurs internationaux français Robert Pirès et Eric Carrière ainsi que de l’entraîneur à succès José Mourinho (actuellement à Chelsea) permettent de mieux connaître ce nouvel aspect très particulier, et très polémique, du sport de haut niveau… Dont les Girondins vont désormais bénéficier.