Quel(s) bilan(s) faire du mercato d’été 2019 des Girondins de Bordeaux ?

« J’ai parlé avec Eduardo (Macia, directeur du football, ndlr) et j’ai confiance en lui. Je suis très clair avec mes idées, je lui ai soumises, ainsi que ce dont notre effectif a besoin au niveau positionnel et quant aux caractéristiques attendues à chaque position. (…) On a le besoin d’améliorer notre niveau. Notre objectif est d’avoir un effectif réduit, homogène et compétitif. J’attends un bon mercato, car nous en avons besoin. Je sais sur quels joueurs je compte pour la saison prochaine et ceux sur lesquels je ne compte pas. (…) Il faut bien arriver sur le mercato avec des profils précis, car le club n’a pas l’argent pour acheter tous les profils (rire). (…) Je veux des nouveaux joueurs dans toutes les lignes et au moins dans chacune d’elles d’ici la reprise de l’entraînement (début juillet).« 

Tels étaient les mots, fin mai, de Paulo Sousa, entraîneur portugais des Girondins de Bordeaux. Trois mois plus tard, fin août, juste avant la fin du mercato, voici ce qu’il déclarait :

« C’est important qu’il y ait beaucoup de réalisme dans les rêves. Moi, je suis une personne très positive, un entraîneur très positif, mais la réalité de notre effectif, par rapport aux autres équipes, ne me donne pas cette envie. Je ne vois pas l’équipe pour viser le haut du tableau actuellement. »

Le ‘jeu’ du « avant / après » fait mal, très mal, et montre bien en quoi le technicien du FCGB a été déçu par la différence entre les paroles et les actes, cet été, de la part de sa direction. Pourtant, si on regarde froidement l’effectif dont il disposait fin 2018-19 et celui dont il dispose aujourd’hui, on ne peut pas dire que le groupe actuel soit moins fort que celui d’il y a trois mois.

Les gardiens Benoît Costil et Gaëtan Poussin ; qui ont chacun prolongé ces derniers jours ; sont les mêmes, bien que le numéro 3 ait changé (prolongé et prêté à Créteil, Over Mandanda a laissé sa place à Davy Rouyard). Aussi, Jérôme Prior (libéré pour signer à Valenciennes) et Paul Bernardoni (prolongé et re-prêté à Nimes) sont partis.

La défense n’a perdu ‘que’ Igor Lewczuk (fin de contrat, rentré au Legia Varsovie), Till Cissokho (libéré pour signer à Clermont), Jules Koundé (vendu au moins 20M€ au Séville FC) et Sergi Palencia (retour de prêt au FC Barcelone, qui l’a transféré à Saint-Étienne) pour se renforcer avec Edson Mexer (libre), Enock Kwateng (libre), Loris Benito (libre) et surtout Laurent Koscielny (5M€). Acheté (1M€) au Milan AC fin janvier 2019 et prêté en Lombardie pour finir la saison 2018-2019 dans son club formateur, Raoul Bellanova est aussi arrivé pour de bon en Gironde.

Le milieu a vu les départs de Lukas Lerager (vendu 6-7M€ au Genoa), Lucas Dumai (fin de contrat, parti au Stade Bordelais), Jaroslav Plasil (retraite pour devenir coach adjoint de la réserve du FCGB), Valendin Vada (vendu 750 000€ à Almería), Zaydou Youssouf (vendu 2.5M€ à Sainté), Daniel Mancini (vendu 500 000€ à l’Aris Salonique) et Yann Karamoh (retour de prêt à l’Inter Milan, qui l’a transféré à Parme) ; mais un potentiel titulaire important est arrivé avec Youssef Aït Bennasser (prêté par l’AS Monaco).

Enfin, l’attaque a été délestée d’Alexandre Mendy (prêté à Brest), de Michaël Nilor (prêté à Avranches, National), d’Aaron Boupendza (prêté à Feirense, D2 portugaise) et d’Andreas Cornelius (retour de prêt à l’Atalanta Bergame, qui l’a transféré à Parme) pour que le Sud-Coréen Ui-jo Hwang arrive du Gamba Osaka (Japon, 2M€).

Au total, cela fait donc 6 recrues et 18 départs. Et Sousa a au moins été exhaussé sur certains critères dont la réduction du groupe et l’homogénéité. En revanche, bien que les trois défenseurs libres (Mexer, Kwateng et Benito) aient été faits très rapidement, puis que Hwang soit venu en juillet, l’ex grand milieu défensif de la Juventus Turin et du Borussia Dortmund a dû attendre pour que Koscielny et surtout Aît Bennasser ne renforcent son groupe. Concernant ce dernier, il était bien voulu par l’ancien coach du FC Bâle et de la Fiorentina – tout comme Hwang d’ailleurs -, mais Sousa avait réclamé deux milieux, pas un seul. La quantité de recrues et le timing de leur venue sont donc des points qui ont déçu PS, plus que la qualité des nouvelles têtes et le processus de fond pour recomposer l’effectif en vue de l’avenir.

Des nouvelles têtes, la direction en annonçait 6 ou 7 en fin de saison dernière. Ce qui a été fait. Mais cette même direction avait vendu beaucoup de rêve avec les mots utilisés : « été excitant », « pas besoin de vendre pour acheter », « garder nos joueurs les plus importants cet été pour construire une grosse équipe », « deux têtes d’affiche », « une équipe pour viser le Top 5 du championnat », « des great players dans le viseur », « ils sont sur le point de nous rejoindre », « les supporters seront contents si tout se passe comme prévu ».

La réalité a été plus dure, beaucoup plus dure. La rapide vente de Jules Koundé début juillet a ainsi vite mis à mal deux ‘promesses’ d’Hugo Varela, directeur sportif du FCGB (même s’il n’a pas officiellement ce titre) : celle de garder les meilleurs joueurs et celle comme quoi le club n’avait pas besoin de vendre avant d’acheter. Heureusement, Koundé sera, finalement, la seule vente d’un joueur majeur durant l’été aquitain.

Mais la suite des événements nous aura bien montré que cette vente du joueur le plus bankable de l’effectif 18-19 aura permis de soulager des finances dans le rouge. Déficit à combler pour rentrer dans les clous de la DNCG (Direction Nationale du Contrôle de Gestion) malgré un budget réduit, mais aussi… actionnaire (King Street) à rémunérer et créancier (Fortress) à rembourser auront été les deux grands postes de réinvestissement de l’argent obtenu avec cette vente du jeune défenseur formé au club. Cet épisode est venu rappeler ; au cas où certains supporters l’avaient oublié ; que le fonds d’investissement General American Capital Partners avait racheté le club à M6 en s’endettant et que le boss Joe DaGrosa devait d’abord régler ses dettes grâce aux bénéfices du club avant de penser à se lâcher un peu sur les investissements (80M€ sur trois ans) qu’il a promis.

L’un dans l’autre, c’est surtout ça qui a plombé le mercato des Marine et Blanc : la révélation au grand jour que le projet de « faire plus avec moins » était beaucoup moins fluide dans la pratique que dans la théorie. Surtout avec KS qui a fermé les vannes.

Du côté des partants, les regrets se tourneront donc vers la manière et la raison pour laquelle Jules Koundé à été vendu. La mise en place d’un ‘loft’ fait également tâche et les montants des transferts de Valentin Vada et Daniel Mancini laissent songeurs. Enfin, les non-départs de Youssouf Sabaly et François Kamano auront donc joué un rôle certainement crucial dans la tournure de ce marché des transferts. Car avant ce qui a été réalisé du côté des achats, Bordeaux n’aura pas brillé dans le sens des départs. Ainsi, le FCGB a passé la majeure partie de son mercato à attendre d’avoir de l’argent via des ventes tout en cherchant des recrues faisables sans dépenser cet argent manquant. Sur un cas comme celui de Laurent Koscielny, l’indiscutable très gros coup des repreneurs américains et la première tête d’affiche (sur deux annoncées) du projet, il a pourtant fallu payer 5M€ à Arsenal. Cet ‘effort’ a été fait, après de longues négociations pour tenter de le récupérer libre, et avec une durée de contrat non communiquée à ce jour, mais ce sera, avec l’offensif Ui-jo Hwang, la seule recrue payante de l’été.

En résumé, faire un seul bilan du mercato d’été 2019 des Girondins de Bordeaux est quasiment impossible. Se limiter au sportif (effectif 2019-20 paraissant meilleur que celui de 2018-19) sans souligner tout le reste serait beaucoup trop flatteur, mais – de la même manière – accabler les nouveaux dirigeants sur la communication trompeuse et le manque d’investissement ne serait pas constructif et aussi en partie injuste. Car pour un club sans argent disponible – même si se l’avouer ne fait plaisir à personne – Bordeaux a quand même fait un mercato assez honorable en recrutant, à toutes les lignes, des joueurs internationaux et relativement confirmés.

Désormais, le terrain parlera, dans les prochains mois. Et même si d’autres clubs sont plus riches et ont été plus actifs et dépensiers cet été, l’effectif sous les ordres de Paulo Sousa a les moyens de faire assez nettement mieux que ce qui a été fait la saison dernière. Faire pire sera difficile, de toute façon (14ème de Ligue 1, 41 points)… Une place entre la 5ème et la 10ème serait visée. Officiellement, le discours du club est devenu plus humble dernièrement (« Top 10 »), mais le 6ème rang a pourtant été budgétisé et la promesse originelle de Varela (« Top 5 ») est toujours présente dans les mémoires des supporters.