Souleymane Cissé et l’héritage de GACP

Son nom était apparu dès fin 2018, plus ou moins quand la vente du club de M6 aux fonds d’investissement américains GACP et King Street pour 100M€ s’est conclue, après un très long feuilleton. Souleymane Cissé devait alors, comme le décrivait Sud Ouest fin janvier 2019 « endosser la fonction de directeur d’un nouveau département technique (ensuite baptisé performance – intelligence), créé pour lui, qui conseillera le centre de formation et l’équipe première, directement en lien avec Hugo Varela ». Aujourd’hui, si l’on s’en fie à l’organigramme du site officiel du FC Girondins de Bordeaux, Souleymane Cissé est « Directeur Technique Général », entre Eduardo Macia (« Directeur du Football ») et Ulrich Ramé (« Directeur des Opérations Football »). Un intitulé de fonction qui a pas mal changé, donc, et qui ne traduit pas forcément explicitement le fait que c’est au niveau de la formation que Cissé agit le plus, prenant le pas sur Patrick Battiston (pourtant « Directeur du Centre ») et Yannick Stopyra (« Responsable Recrutement du Centre ») pour faire venir des joueurs ou des coaches et adjoints.

Salarié du FCGB (10 000 euros par mois selon L’Équipe, bien moins que les 42 et 45K€ de Longuépée et Macia), Souleymane Cissé a au moins cette différence – en plus de celle d’être encore au club, gardé par King Street quand les parts de GACP ont été rachetées et la gestion du club reprise par KS – avec Hugo Varela. Pour rappel, le Portugais dirigeait la politique sportive du FCGB sans être employé du club mais en étant payé par les Marine et Blanc via son agence, basée en Angleterre. Pour le reste, les deux hommes ont le point commun peu rassurant d’avoir une réputation sulfureuse et d’être associés à des pratiques… particulières visant à privilégier leurs intérêts en priorité.

Sur le papier, pourtant, le CV de Souleymane Cissé parle pour lui. Originaire de Côte d’Ivoire, ancien joueur (en réserve) à Dijon, au Sporting Lisbonne, à Hanovre et à Croix-de-Savoie, qui deviendra ensuite Évian Thonon-Gaillard, l’homme né en 1977 se reconvertit, après sa carrière sur les terrains, dans la formation, en 2009. Ex entraîneur de la réserve de l’AS Monaco de 2014 à 2017, il avait d’abord œuvré pour l’ETG. Mais son passage à Monaco lui a surtout valu l’étiquette de « tonton » d’un certain Kylian Mbappé. Flatteur, très flatteur ; comme la description faite de lui, dans L’Équipe, par Luis Campos (ex directeur sportif de Monaco et actuel conseiller du président à Lille) : « C’est un grand professionnel, très structuré. Il a cette sensibilité pour comprendre et tirer le meilleur d’un joueur, avec patience ».

De la patience, il en faut et il en faudra encore pour juger plus sérieusement les très nombreux jeunes joueurs qu’il a fait venir (la plupart sous contrat pro) en réserve à Bordeaux, certainement dans une logique de trading. Mais pour l’instant, les éléments venus via Souleymane Cissé ne permettent pas à la National 3 du nouvel entraîneur, Manu Giudicelli, de jouer plus que le maintien. De plus, et même si pas mal de ces jeunes se sont déjà entraînés au moins une fois avec les professionnels, le coach de l’équipe une, Paulo Sousa, a récemment dit de façon assez dure qu’ils n’étaient pas prêts à jouer en pro. Les Gabriel Lemoine, Jamal Haruna, Abdel Jalil Medioub ou Aïssa Boudechicha avaient pourtant été recrutés de l’extérieur pour apporter un plus, d’autant qu’ils prenaient la place de jeunes du cru, formés au FCGB et déjà au club depuis les catégories d’âge inférieures.

On verra ce qu’il en sera pour les derniers arrivés ; Issouf Sissokho, Naoufel Khacef et… Thibault Klidje, celui-ci faisant pour l’instant beaucoup parler de son cas pour les conflits d’agents autour de lui ; mais quand on se penche sur la quantité de joueurs – venus d’Afrique pour beaucoup – qui intègrent la réserve des Girondins depuis l’été dernier il semble impossible d’y déceler un projet sportif lisible pour le FCGB. On rit même jaune quand on se souvient des promesses initiales de GACP, surtout via son dirigeant Joseph DaGrosa, de s’appuyer sur la formation locale et les jeunes joueurs français qui faisaient du Haillan « un des meilleurs centres de formation au monde », d’après les dires de Joe.

« Une partie de notre projet est basé sur l’académie. On veut sortir tout le monde de sa zone de confort et la seule chose à faire est d’amener des gens pour secouer tout ça. (…) Souleymane Cissé a de l’expérience. Il va nous apporter son expertise, spécialement en France. (…) Notre volonté est de créer un modèle de jeu pour tout le centre de formation. On ne sera pas l’Ajax, mais il faut créer un chemin pour que, lorsqu’un jeune joueur arrive en équipe première, il soit déjà prêt ». Tels étaient les mots, au printemps dernier, du bras droit de DaGrosa, Hugo Varela, dans L’Équipe, pour vanter le rôle de son « atout caché » Souleymane Cissé. Là aussi, on relit ça avec amertume et le sentiment d’avoir été pris pour des idiots

Près d’un an plus tard, alors que GACP, DaGrosa et Varela ne sont déjà plus là (du moins officiellement pour ce dernier, qui reste peut-être en lien avec ceux qu’il a placés…) et que King Street a évincé General American Capital Partners en décembre, à cause de sa très mauvaise gestion financière, Cissé, Macia et Sousa sont eux encore présents, constituant en quelque sorte l’héritage de GACP, en plus d’être un trio ayant des intéressements prévus dans leur contrat sur la revente des joueurs. Et concernant « l’atout caché » Cissé, on se demande encore, justement, ce qu’il peut cacher, en craignant même que ce ne soit pas forcément bénéfique pour les Girondins de Bordeaux. Comme tout ce qu’ont apporté GACP et King Street depuis fin 2018