Tout a commencé ce lundi 13 mai. Frais champion de France après sa victoire à Lyon la veille, le Paris Saint-Germain version Qatar ne tarde pas à organiser un évènement pour célébrer son titre tant attendu. Une cérémonie est organisée au Trocadéro, avec la Tour Eiffel en fond (pour l’image), suivie d’une mini croisière sur la Seine pour permettre aux héros de la capitale de défiler devant leurs supporters.
Mais la fête ne durera que 6 minutes… Car, derrière ce Disneyland de façade, il y a tout un contexte qui dégénère et les animations sont vite interrompues par plusieurs dizaines d’individus semant la violence et l’incompréhension sur la place et tous ses alentours. Après intervention des forces de l’ordre, affrontements avec les perturbateurs à coups de lacrymo, de jets de projectiles et de fumigènes, et évacuation des lieux,
le bilan est d’environ 30 blessés et une vingtaine d’interpellés. L’histoire retiendra donc que c’est autour de pizzas et cloitrés au Parc des Princes pour des raisons de sécurité que les joueurs, le staff et la direction du PSG ont fêté leur titre.
Quand la télé nous fait peur…
A l’heure de chercher les coupables de ce désastre, ce sont les Ultras qui sont, immédiatement, les premiers désignés par les intervenants des différents plateaux médiatiques, chaînes d’infos en tête. Au vu de l’historique des relations qui existent, depuis maintenant 3 ans, entre la direction du club de la capitale, d’une part, et ses associations de supporters dissoutes et mises à l’écart, d’autre part, et ,surtout, de la présence de banderoles « Virage Auteuil » et « Liberté pour les Ultras » lors de ces tristes évènements, les responsables semblaient effectivement tout trouvés… Mais, depuis que la Ministre des sports, Valérie Fourneyron, est intervenue ce mercredi 15 mai pour expliquer qu’aucune des personnes interpellées suite à ces troubles n’avait fait partie d’une association de supporters, les raccourcis et les amalgames tombent à l’eau. La version des anciens leaders de ces associations, selon lesquels leur « contre-manifestation », pacifique à la base, aurait été pourrie par des casseurs extérieurs au mouvement Ultra a même été confirmée par le Ministère. Par ailleurs, l’ex-porte parole du collectif de supporters « Liberté pour les Abonnés » (qui regroupait plusieurs centaines d’anciens Ultras parisiens et qui a prononcé sa dissolution l’an dernier faute de considération quant à leurs revendications pour la réintroduction d’abonnements libres au Parc des Princes) a fait savoir que ses membres n’étaient, pour l’immense majorité au moins, pas présents au Trocadéro lors des incidents.
Passé cet important rappel des faits parisiens (bien que nous ne soyons pas sur un site en rapport avec le PSG), c’est un phénomène plus global qui est à pointer chez les médias – et, par extension, dans l’opinion publique – : celui de l’amalgame systématique qui est fait entre Ultras et Hooligans et de la diabolisation qui en découle de l’ensemble des supporters. Vu la façon dont sont évoquées toutes ces questions depuis plusieurs jours désormais et la vague de reportages diffusés récemment (notamment dans les émissions « Envoyé Spécial » sur France 2 ou « Enquête Exclusive » sur M6) en assimilant l’ensemble des termes de « violence », « racisme », « hooliganisme », « Ultras » et « supporters » dans une vision commune, pas étonnant que beaucoup aient peur. En effet, (presque) personne n’est là pour rappeler des faits pourtant élémentaires, comme la nature originellement non violente du mouvement ultra ou le fonctionnement tout ce qu’il y a de plus normal de ces associations, légalement constituées et disposant de statuts, de membres, mais également de responsables et d’interlocuteurs identifiés. Elle est loin l’image du hooligan, violent et raciste, agissant indépendamment de tout contrôle pour semer le chaos.
Pas sûr cependant que la plupart de ceux qui en parlent dans les médias soient au fait de ces réalités simples. Pas sûr également qu’ils soient déjà allés voir un match de football autre part que dans une tribune de presse ou en loges. Pas sûr, enfin, qu’ils aient compris qu’être membre d’une association de supporters et participer à sa vie n’était pas un crime et ne faisait pas une différence entre les « bons » et les « méchants ». Un supporter violent n’est pas automatiquement un Ultra (et vice-versa surtout !) et si, selon les clubs et les pays, personne ne niera que les Ultras peuvent être (très) proches de certaines mouvances sociales ou politiques, le fait d’être carté dans une association proclamée ultra n’a, en tant que tel, rien de répréhensible. Il n’y a pas plus de personnes dangereuses chez les Ultras que dans le reste d’un stade de foot ou de la société, quoi que peuvent en dire certains.
… Et que la politique s’emmêle !
Mais, pire encore que cette désinformation médiatique sur le monde des tribunes suite aux incidents du Trocadéro,
la récupération qui en est faite par notre classe politique est à blâmer encore davantage. Ainsi, le tweet de Michèle Delaunay, députée de la 2ème circonscription de la Gironde et Ministre déléguée aux personnes âgées et à la dépendance, qui affirmait :
« Avec le « #GrandStade de Bordeaux, nous aurons aussi nos vrais bons hulligans (sic). Ce n’est qu’une des raisons de mon opposition au foot business » pour défendre sa position d’opposante à la construction, déjà amorcée, du futur grand stade de Bordeaux, illustre parfaitement cette atmosphère détestable et doit être condamné en tout point… Comme il n’a pas manqué de l’être par les Ultramarines et l’un de leurs responsables, Laurent Perpigna, dont le résumé de l’ensemble de la situation, fait pour Sud Ouest, vaut mieux que n’importe quel reportage.
« On a un peu rigolé au départ, puis ensuite plus du tout. Car nous sommes dans une société d’information permanente, de la petite phrase et du tweet. Nous ne pouvons simplement plus laisser passer certains propos. Et le tweet de Michèle Delaunay est en tout point catastrophique ! Il y a plusieurs choses à considérer dans les événements du Trocadéro. Les ultras parisiens ont été écartés il y a trois ans. Il y a eu un véritable nettoyage des stades avec des actions qui sont purement discriminatoires. Ces gens là, qui sont des supporters historiques du club, ont été exclus, ils n’ont pu vivre la victoire. Il ne faut pas s’étonner qu’ils aillent déployer une banderole. Mais cela n’a rien à voir avec ce qui s’est passé à côté.
C’est un fait sociétal. Nous vivons dans une société où les gens vont mal. Ils font ressortir ce mal-être dans ces moments là. Mais il n’y a là aucune connotation de hooliganisme. Donc imputer cela aux supporters n’est pas une bonne chose. La violence dans les stades existe, mais il y a ici un amalgame dangereux, à même de jeter l’opprobre sur les supporters, ce que nous ne pouvons laisser faire.
Qu’une élue, ministre, qui plus est se disant de gauche, ne soit pas capable de comprendre les tenants et les aboutissants d’un événement de ce type et soit capable de raccourcis de ce type nous pose question. Relier le risque de violences à un projet de stade c’est aberrant ! Sur quelle planète vit-on ? Il y a sans doute des choses à régler. Mais s’il y a problème, aujourd’hui, il est à Paris. Il faut bien se garder de généraliser. »
La preuve à ceux qui en doutaient encore que la bêtise et la violence ne sont pas toujours là où on veut nous le faire croire.