Le bilan de Jean-Louis Triaud au tiers de la saison
« Les critiques, je les vis avec un certain détachement. C’est toujours si caricatural, si banal. C’est, globalement, le fond de commerce du système médiatique que de vendre de la polémique, car ça n’intéresse personne quand ils disent du bien sur ce dont ils parlent. Donc voilà pourquoi je prends un grand recul sur tout ça. Sur le Bassin d’Arcachon, je vois souvent un vieux bateau qui s’appelle ‘le laisse braire’ et dont le propriétaire a souvent dû entendre dire qu’il était moche. Ça veut tout dire. Donc je n’ai aucun problème avec les critiques, on doit répondre sur le terrain, avant tout. »
« Il reste encore 25 matches à jouer, 75 points à distribuer, ça fait beaucoup de temps, encore, pour remonter la pente. L’avenir nous dira si nous sommes sortis de nos difficultés. Je pense que c’est encore fragile. Quand il y a un mieux, on a envie de confirmer. C’est quand on a la confirmation que le mieux se vérifie que ça peut durer. Pour nous, il faut enchainer au moins 2-3 bons matches, faire des résultats et prendre des points. Ensuite on pourra dire qu’on est sorti de la galère et qu’on a appris quelque chose de façon durable.
(…) En Ligue 1, les écarts sont encore assez faibles avec les places qui nous intéressent. Les autres équipes, sauf Paris et peut-être Lyon, comme Nice, Angers, Lorient, Caen etc elles auront forcément des mauvaises séries elles aussi. Maintenant, j’espère que le plus dur est passé pour nous car il faut qu’on fasse une bonne série. J’aimerais, quand on arrive sur un terrain, et que les garçons ne se posent pas de questions. La seule chose qui devrait les intéresser, c’est par combien de buts d’écart on va gagner. Il faut rentrer en étant positif, et pas gestionnaire en restant regroupés derrière à attendre un corner ou un contre. Le bon état d’esprit c’est : ‘on arrive, c’est Rennes – notre prochain adversaire -, on s’en fout, on est là pour gagner. On ne va pas attendre de savoir comment ils jouent, on va jouer comme on veut’. C’est ce que l’on ne sait pas trop faire, imposer notre jeu, jouer pour gagner. C’est pas acceptable de mener à Nice et à Lorient puis de se liquéfier comme on l’a fait, en manquant de constance. Il y a eu des doutes après ces matches et je pense que le fait d’avoir su renverser la tendance après avoir été mené face à Monaco a pu les lever. »
« Enzo doit encore se calmer et gérer son tempérament, mais il a ce courage, cette grinta et cet enthousiasme qui fait souvent défaut à l’équipe. J’espère qu’il gardera ça toute sa carrière, sans s’user, ni trop se gérer. Qu’il garde sa spontanéité, sa faculté à bouger les autres ! Comme Marouane Chamakh à l’époque, le petit Crivelli, qui est encore plus tonique, sait tirer l’équipe vers le haut par son investissement, ça a valeur d’exemple. Il me fait aussi penser à Lilian Laslandes, car il est costaud, agressif dans le bon sens du terme, qu’il montre la voie… C’est sûr que si on en avait 11 comme lui, on serait mieux classé. Mais on ne doit pas non plus dénigrer le reste de l’équipe, avec des gars qui ont d’autres qualités qu’Enzo n’a pas. Un groupe, c’est un ensemble d’individualités qui s’additionnent. »
« Oui, il y a eu une prise de conscience qu’en étant petits bras, en la jouant peureux, à l’économie, les résultats étaient mauvais. Il n’y avait donc qu’une seule solution pour inverser la tendance, c’est de changer de comportement, d’être plus ambitieux. Dans un sport collectif, si on ne respecte pas une organisation, et la discipline qui va avec, on ne peut pas y arriver. Ces garçons sont encore jeunes, ils me font penser à l’exemple d’un enfant qui se débrouille à peu près à l’école en ne faisant rien… jusqu’au jour où ça ne marche plus. Et à ce moment-là, tous les mauvais résultats s’enchainent. Sans travail, sans discipline, sans méthode d’organisation, on n’y arrive pas. Alors, des fois, ça peut marcher, un temps. C’est un peu le problème des cancres à l’école qui ont des qualités mais qui manquent d’application et de sérieux. Je pense que c’est ce que l’on a montré pendant quelques matches. Le mois d’août était encourageant et on s’est mis dans une situation de confort et de fausse sécurité, mais tout d’un coup on en prend six à Nice et on se dit que ça ne va plus. Donc panique à bord, perte de confiance, de collectif. Bref, tout ce qui a fait qu’on a traversé cette période négative…
(…) Je pense que tout le monde apprend un peu de ces périodes difficiles. Mais moi, en 20 ans à la tête de ce club, j’ai déjà connu ça plusieurs fois. C’est un problème récurrent dans le football. L’entraineur est jeune et certainement que lui en a tiré une certaine leçon. Les joueurs, eux, apprennent aussi, mais, comme tous les jeunes joueurs actuels, ils oublient très vite, donc une piqure de rappel régulière est surement nécessaire.(…) Sans doute aussi que la venue des supporters à l’aéroport après la défaite à Ajaccio a aidé les joueurs à réaliser que le foot avait une place importante dans la vie de certaines personnes, au-delà d’un simple spectacle. Voir la tristesse et la colère des gens leur a fait du bien, car ils ne peuvent pas vivre sans voir la réaction du public, qui sort du cadre ‘familial’ on va dire, de la vie du club au quotidien. La perception est différente, car c’est plus rare, ça frappe les esprits. (…) De toute façon, toute expérience fait évoluer les gens. Forcément, Willy Sagnol a retiré de ce mois d’octobre vécu par le club de l’expérience, des informations. C’est obligatoire. Grâce à l’expérience, l’idée c’est de ne jamais retomber dans ces périodes difficiles, de savoir les éviter. Mais je ne suis pas sûr que l’expérience suffise vraiment à tout éviter parce que c’est humain et naturel de retomber dans le confort quand ça va bien. On s’imagine que c’est facile et que tout est revenu en ordre, donc que le prochain match ne demandera pas le même investissement et le même sérieux que celui qu’ils viennent de jouer… »
« Vous savez, on me dit toujours ‘Ah Président, vous êtes trop gentil, il faut taper sur la table’. Mais ça n’a jamais fait gagner un match, il faut en être conscient. Alors après, il n’y a pas de méthode qui puisse s’appliquer à tout le monde. Il y a des garçons qui ont besoin d’être secoués et d’autres encouragés. Il faut adapter son discours en fonction de l’interlocuteur. Mais c’est vrai qu’on ne peut pas tout le temps sanctionner, punir, il faut aussi encourager. Je vais prendre un exemple, je ne veux pas choquer mais, les meilleurs dresseurs de chiens de chasse sont ceux qui procèdent avec douceur, calme, tranquillité, sérénité. Les types qui dressent à coups de bâtons, c’est moins performant que ceux qui les dressent différemment. Le parallèle est peut-être osé avec les joueurs (rires), mais bon je crois que quelqu’un qui est dans le doute, plutôt que d’être matraqué, il préfère être rassuré et encouragé. Mais il faut quand même faire les deux. A un moment tu ne peux plus lui dire que ce n’est pas grave, il faut lui en mettre une. Tu lui dis maintenant ça suffit. Mais après ? Une fois que tu lui as dit que ça suffisait et que tu as mis les points sur les i, comment on s’en sort ? Pas à coups de matraque, mais en étant solidaire, en soutenant, en encourageant, en mettant l’autre dans les meilleures dispositions possibles pour réussir et changer les choses.
A ceux qui nous écoutent et qui sont comme moi, qui n’ont pas eu la chance d’être sportif de haut niveau, et qui n’ont pas joué dans des stades de 20-25-30000 personnes, je dirais que quand on a 20 ans, qu’on est au milieu d’une pelouse et qu’on se fait siffler par le public parce qu’on n’est pas à la hauteur des attentes et de l’évènement, ce n’est pas facile à vivre. Les gens ne se rendent pas compte. C’est gros comme pression. Ces gens-là, plutôt que de leur remettre une couche supplémentaire de stress, il vaut mieux les aider et les encourager. Les joueurs savent que je suis là pour ça…(…) On dit que les dirigeants ne connaissent rien au foot. Je veux bien entretenir cette légende, pour faire plaisir, surtout moi qui vient du rugby. Mais ça fait 20 ans que je vois des matches de foot. J’en vois plus que beaucoup parce que je regarde par intérêt et par plaisir, mais aussi pour raisons professionnelles, plein de matches qui ne nous concernent pas forcément directement. A la longue, je finis par bien connaître le football.
(…) Je n’ai jamais perdu confiance en ce groupe. On me le reproche souvent d’ailleurs. On est là : ‘regardez cette imbécile qui ne voit pas qu’il a une équipe en bois !’… Mais je sais que notre effectif est supérieur à celui des 2/3 des autres équipes de Ligue 1. Je n’ai pas d’inquiétude sur la qualité des garçons, mais sur le collectif. Les équipes inattendues qui sont bien classées, elles savent se battre avec enthousiasme et solidarité, pas nous. On est trop gestionnaires, trop prévisibles, trop sur le même rythme. Si j’avais été défenseur contre Bordeaux lors des derniers matches, j’aurais su que je n’avais pas besoin de revenir dans mon camp en sprintant, j’y serais arrivé en marchant. Quand je vois qu’on était six derrière pour faire une relance face à deux adversaires, à se faire des passes latérales ou même en retrait… C’est du football de vieillard ! Heureusement qu’on s’est repris. »
« Comme pour la Ligue 1, c’est frustrant, ce qui nous arrive en Europa League. Quand je vois cette équipe de Sion, ce n’est pas leur faire injure de dire qu’ils ne sont pas exceptionnels, mais ils ont quand même trouvé le moyen d’aller faire match nul à Liverpool, de nous battre, de nous gêner… tout en en prenant aussi trois contre Lugano dans leur championnat suisse où ils ne sont pas au top. C’est étonnant que Sion réussisse en Europa League. Je pense que quand on a perdu à domicile contre eux, on les a peut-être pris un peu à la légère sur ce match. Si on ne se qualifie pas, c’est donc bien ce match qu’il faudra retenir, car on ne devait jamais perdre ! Sinon, je trouve que c’est amusant cette poule. On peut se qualifier, on peut même encore terminer premier du groupe si on gagne nos deux matches. Il y a un vrai challenge avant d’aller à Liverpool. Au moins, on va y aller sans la pression dé gérer quelque chose. Il faut gagner, ou disparaître. Autant se donner les moyens de gagner. »