Les Girondins sont-ils dans le déni ?
Si le plan comptable est exécrable, le jeu affiché par les Girondins inquiète aussi : un but face à Nantes, aucun à Amiens et contre Monaco. L’arrivée de Nicolas de Préville est un flop pour le moment, tout comme celle de Jonathan Cafù ; deux joueurs pour lesquels Bordeaux a pourtant sorti le portefeuille avec près de 17M€ dépensés. Pas mal pour un club jugé sans ambitions par certains médias et supporters. Aussi, Malcom porte Bordeaux à lui seul ou presque depuis le début de saison ; derrière lui, le meilleur buteur du club n’est autre que Younousse Sankharé, un milieu relayeur aujourd’hui en panne d’inspiration.
Fièrement invaincus avant leur déplacement à Paris, les Girondins l’ont donc ensuite été à trois reprises en quatre matchs, dont deux défaites face au champion en titre (Monaco, 0-2) et chez son dauphin. Rien d’illogique en soi, et c’est d’ailleurs la réplique du moment de l’entraîneur. Mais au-delà de ce discours type, les Girondins réfutent d’ailleurs, et surtout, toute idée de crise. « On n’est pas en crise ! » lâchait Malcom après la défaite à domicile contre Monaco, suivant le mot d’ordre de son président Stéphane Martin. Faisons donc un retour sur la situation girondine du moment, avec des extraits de conférence de presse pré ou post Nantes, Amiens et Monaco ; des propos tenus par des joueurs directement concernés par le terrain puisque habituels ou récents titulaires.
1 – Nantes, l’après Paris – Bordeaux
Alors que Bordeaux reste sur une humiliante et historique défaite à Paris, les Girondins comptent se reprendre à domicile face à Nantes, un match où l’ambiance de “derby” permettra aux joueurs de se sublimer.
Au final, Bordeaux ne jouera qu’une mi-temps et partagera les points avec son adversaire du jour (1-1). “Il faut féliciter Nantes” déclare d’abord Jocelyn Gourvennec, qui met donc en avant l’équipe adverse plutôt que de s’en prendre à son équipe. Le bilan comptable est également évoqué en conclusion : “On prend 10 points sur 12 à domicile, j’aurais préféré gagner ce match et on aurait dû le gagner, mais une fois que l’on est mené, c’est bien aussi de ne pas le perdre.” Le coup de la statistique rassurante donc ; pourquoi pas, Jocelyn…
2 – Amiens, l’après Bordeaux – Nantes
Tandis que les Girondins viennent de chuter face à Amiens (0-1), un promu largement à la portée des Marine et Blanc sur le papier, et que ce déplacement au Havre était censé rattraper les trois points manqués face à Nantes, Théo Pellenard se présente en conférence de presse pour évoquer la réception de Monaco, avec quelques passages révélateurs : “Je ne pense pas qu’on est dans le dur. Ce n’est pas parce qu’on a perdu un match face à Amiens qu’on est dans le dur”. Un journaliste lui rappelant alors la récente défaite à Paris, le latéral formé à Bordeaux préfère alors s’en remettre à… un facteur de malchance, après avoir presque oublié cette défaite : “Oui, il y avait le match de Paris aussi… Après, comme j’ai dit, ça s’est joué à peu de choses”.
Peu habitué à l’exercice des conférences de presse, le jeune bordelais a donc parlé de manière plus naturelle – ou plus timide – et moins feutrée qu’un joueur plus expérimenté et s’étant déjà retrouvé souvent dans ce genre de situations. Des propos intéressants donc, car plus spontanés. Et les mots alors employés par Pellenard pour décrire l’intervention de Jocelyn Gourvennec après la défaite à Amiens, la fameuse “cartouche” mise aux joueurs sont également à noter : “Forcément, après un match un peu moins bien, le coach nous a un peu remis les bases dans le vestiaire”. Face à Amiens, Bordeaux a donc réalisé un match “un peu moins bien” selon le joueur, et le “coup de gueule” de Jocelyn Gourvennec, qui suivait une réunion au Haillan, est lui jugé comme une situation où l’entraîneur a “un peu remis les bases”.
Enfin, le latéral bordelais concluait avec ces mots : “On n’est pas dans le dur. Je pense que si on parlait de dur c’était vraiment si on restait sur deux ou trois défaites consécutives”. Well, well.
3 – Monaco, l’après Amiens – Bordeaux
Avant la rencontre, Bordeaux et Gourvennec reconaîssent la contre-performance à Amiens et un “très bon Bordeaux” est espéré face au champion de France en titre, qui devra finalement jouer sans Falcao. Un Bordeaux revanchard est aussi annoncé ou espéré par Valentin Vada, à quelques minutes du coup d’envoi. Monaco démarrera finalement la rencontre tambour battant avec une énorme occasion de Fabinho dès la 6ème minute de jeu. Bordeaux reviendra ensuite dans le match, mais perdra finalement 2 à 0, assez logiquement.
Après la rencontre, Younousse Sankharé, lui, se satisfait de… l’état d’esprit bordelais et enchaîne en mettant en avant la “super efficacité” de Monaco : “Aujourd’hui, c’était un autre match, au niveau de l’état d’esprit on y était, au niveau de l’agressivité aussi. On est tombé sur une équipe de Monaco qui était rigoureuse, mais super efficace aussi”. La chevauchée de Thomas Lemar sur le second but, qui voit la défense bordelaise ne pas l’attaquer et Benoît Costil laisser le ballon passer entre ses jambes (“Je me déchire sur ta frappe”, lui dira l’ancien rennais au coup de sifflet final), est alors un “coup de génie” selon Younousse Sankharé. Avant de regagner les vestiaires, l’ancien guingampais conclut en se disant que Bordeaux ne rencontrera pas tous les week-ends des équipes de ce style : “Si tous les week-ends on tombe contre des équipes comme ça…”. Croustillant.
Dans une période charnière en ce mois d’octobre, Bordeaux a donc gâché de précieuses munitions pendant que des équipes comme Marseille ou encore… Caen lui sont passées devant. Si plusieurs raisons peuvent expliquer cette mauvaise passe (tactique, temps d’adaptation des uns ou des autres), Bordeaux va devoir se relever et vite pour retrouver des couleurs. Le déplacement de vendredi à Rennes, une équipe qui retrouve, elle, des couleurs, et la réception d’un Marseille en forme olympique s’ajoutent à la liste des matchs à gagner, une liste que Bordeaux continue de remplir en ce moment, sans forcément y checker ses ambitions au final.
En attendant, les Girondins seraient peut-être inspirés de mettre en pause leurs grandes déclarations rassurantes d’avant-match et de cesser de justifier leurs échecs du moment en regardant chez le voisin.
Peut-être qu’avec un tout petit peu plus d’humilité, nos Girondins s’éviteraient des déconvenues chez des équipes présumées plus faibles sur le papier, à l’image d’Amiens cette saison, ou encore de Toulouse la saison passée (1-4). Peut-être aussi qu’en y ajoutant une dose de remise en question et de motivation placée sur le terrain et non pas face à un micro, la maison bordelaise serait capable d’attaquer un match où non seulement elle tiendrait la dragée haute aux équipes de tête – à l’image de la prestation de Dijon face à Paris il y a quelques semaines – mais serait également capable de remporter ce genre de duels. Bien sûr, au vu des moyens actuels bordelais, il est compliqué de gagner tous les matchs et nous espérons tous que nos joueurs abordent déjà chaque rencontre avec au moins l’envie de la gagner ; mais à cela il faut aussi savoir y ajouter la conscience de ses forces actuelles, et celle de ses faiblesses du moment aussi. A bons entendeurs.
Crédit image une : I. Gaizka / AFP